Nouvelles Philip Shaw

La route vers le salaire de nos récoltes franchit une étape cruciale au Québec

06 juillet 2023, Philip Shaw

J'étais occupé à marcher dans des champs de soya aujourd'hui. C'est cette période de l'année où certains herbicides de post-levée doivent être appliqués avant que le soya ne commence à fleurir. Il se trouve que nous avons eu un peu de temps humide dans le sud-ouest de l'Ontario au cours des 10 derniers jours et que même marcher dans les champs a été un peu difficile. Je sais que marcher dans les champs n'est pas une option pour beaucoup d'entre vous, car vos champs sont beaucoup trop grands, mais ici dans le sud-ouest de l'Ontario et sûrement au Québec, évaluer vos champs à pied est encore quelque chose qui se fait tout le temps.

Heureusement, les choses semblent plutôt bonnes en ce qui concerne mes applications d'herbicides précédentes. Je cultive du soya sans OGM où j'ai divisé mes deux dernières applications d'herbicides dans l'espoir de bien faire les choses. Je vous tiendrai au courant au fur et à mesure de la saison, mais les choses se présentent plutôt bien pour le moment. Inutile de dire que je me retrouve toujours à traiter pour du maïs spontané, qui reste toujours un problème dans les champs de soya avec des tiges de maïs qui sortent.

Le 30 juin, l'USDA a fait part de son rapport sur la superficie semée. Il a rapporté que les agriculteurs américains avaient semé 94,1 millions d'acres de maïs, ce qui était bien au-dessus des estimations des marchés. Par exemple, vers la fin mars, il avait prédit 92 millions d'acres de maïs. Or, les 94,1 millions d'acres déclarés cette année sont les troisièmes semis de maïs les plus élevées depuis 1944. Du côté du soya, l'USDA a déclaré que les superficies semées étaient de 83,5 millions d'acres, soit 5% de moins qu'il y a un an. Il était également bien inférieur aux attentes commerciales. Ce fut un choc pour le marché des grains qui ne s'était jamais attendu à la forte augmentation des superficies de maïs et à la forte diminution des superficies de soya. Le maïs de décembre a chuté durement ce jour-là, les prix du soya ont grimpé en flèche.

Nous ne saurons si les estimations de rendement seront à la baisse que plus tard en juillet. De toute évidence cependant, la réaction du marché au 30 juin fut très violente. Nous verrons dans la semaine à venir si nos marchés continueront d'évoluer sur la base de ces fondamentaux du USDA ou s'ils continuent simplement dans ce marché dominé par les conditions météorologiques.

En Ontario et au Québec, Statistique Canada a présenté la semaine dernière son estimation du nombre d'acres que nous avons ici. Selon eux, il y aurait une légère diminution des superficies ensemencées en maïs-grain par rapport à l'an dernier, à 2,3 millions d'acres. Gardez à l'esprit que ce chiffre n'est rien d'exceptionnel. Il y a des superficies disponibles limitées en Ontario et, dans le meilleur des cas, nous plafonnons à 2,3 millions d'acres de maïs. Les superficies de maïs au Québec se sont établies à 898 300 acres, en légère hausse par rapport à 2022.

Du côté du soya, nous avons environ 2,9 millions d'acres en Ontario, ce qui représente une baisse de 5,4 % par rapport à il y a un an. Au Québec, nous avons un million d'acres, soit 4,8 % de plus que l'an dernier. Le nombre de cultures de soya en Ontario est toujours lié à la quantité de blé d'hiver qui a poussé. Alors que nous nous penchons sur juillet, nous sommes presque prêts à commencer la récolte de blé ontarien de 1,3 million d'acres.

Dans les semaines à venir, il y aura certainement beaucoup de conjectures quant à l'évolution des prix pour le reste de la campagne agricole. Comme je l'ai dit ces dernières semaines, le narratif pour la commercialisation des grains a un peu changé à cause de la météo, mais nous avons beaucoup perdu dans les prix au cours de la semaine dernière, car un temps humide et la promesse de plus de pluies ont éliminé le vent d'optimisme des dernières semaines. Je l'ai vu à plusieurs reprises dans le passé, lorsque des traders de Chicago décident que la récolte est faite avant le 4 juillet et que nous observons des marchés baissiers jusqu'au moment de la récolte en octobre. En sera-t-il ainsi cette année ? C'est certainement le cas après l'action du marché de la semaine dernière, mais il reste encore beaucoup de risques à venir.

N'oubliez pas que nous avons encore d'abondants stocks de maïs de l'ancienne récolte en Ontario, ce qui a eu un effet modérateur sur nos valeurs de base en Ontario. Il faut se rappeler que les valeurs de base de l'Ontario et du Québec reflètent dans une certaine mesure la récolte qui est cultivée au cours de l'année de commercialisation. À l'heure actuelle, cette récolte en Ontario et au Québec s'annonce plutôt bonne et une année record est possible. Mais qui sait, peut être que toute cette fumée des incendies de forêt va affecter le rendement des cultures alors que nous avançons dans l'été ? Il y en a qui se souviennent surement de l’été 1992 qui a été très nuageux, jetant les bases par la suite à une mauvaise récolte. À l’époque, c'était des nuages, cette année, c’est de la fumée, j'espère que tout s'envolera très bientôt.

Il est également important de se rappeler que nos problèmes géopolitiques n'ont pas disparu. En fait, le mois dernier, nous avons eu la mutinerie du groupe Wagner en Russie. Avec des chars roulant à moins de 200 kilomètres de Moscou, nous nous préparions pour de vrais feux d'artifice. Cependant, vous connaissez tous le reste de l'histoire avec le groupe Wagner qui s'arrête dans son élan avec un accord rompu. Avec cela, nous continuons d'avoir le statu quo pour le grain de la mer Noire. Il y a beaucoup de blé russe bon marché pour tout le monde. Cela ne semble pas changer, du moins dans un proche avenir, et cela continuera d'avoir une incidence sur les prix du blé en Ontario et au Québec.

En parcourant mes cultures de soya aujourd'hui au milieu des tiges de maïs, j'étais satisfait de son émergence, mais aussi assez méfiant. Permettez-moi de vous dire que j'ai déjà suivi cette piste et même si les choses semblent plutôt bonnes en ce moment, il y a un monde de risques devant moi. Par extension, il y a des risques devant nous tous alors que nous nous dirigeons vers la mi-juillet. La façon dont nous gérons ce risque à l'avenir sera certainement la clé de notre rentabilité. Ce n'est pas le moment de devenir complaisant. Prenons tous quelques jours de repos pour recharger nos batteries. La route vers le salaire de nos récoltes passe maintenant par l'une des étapes les plus cruciales.


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