Nouvelles Philip Shaw

Les aides agricoles américaines issues de la guerre commerciale mettraient les agriculteurs canadiens dans une situation extrêmement difficile.

23 juillet 2018, Philip Shaw

La récolte de blé est imminente dans le sud-ouest de l'Ontario. J'ai terminé ma récolte le 14 juillet. La météo a été excellente pour la récolte de blé, mais trop sèche pour presque tout le reste. Dans le sud-ouest de l'Ontario, les gens sortent les machines à récolter les tomates parce que lorsqu'ils le font normalement en août, il y a de la boue partout. Alors que je moissonnais et battais, j'espérais bien que la pluie me poursuivrait.

Les marchés ont été secoués au cours des huit dernières semaines et il est difficile de ne pas écrire sur ce sujet, surtout à un moment où nos amis américains semblent être en guerre avec le reste du monde en matière de commerce. Je dirai seulement que je suis dans ce domaine depuis longtemps et que j'ai vu beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses. La réalité de l'effondrement des prix du soya est bien moins grave que certains des problèmes que nous avons vus dans le passé. En tant qu'agriculteurs canadiens, croyez-moi, nous sommes maintenant un peu au creux de la vague, mais la situation va s'améliorer. C'est la nature de l'économie agricole.

Dans les champs, les cultures semblent très prometteuses à la mi-juillet. Le 12 juillet dernier, l'USDA a publié son dernier rapport WASDE. Dans ce rapport, ils dressent un portrait de grains en abondance dans presque toutes les régions sans problèmes apparents. À bien des égards, il s'agit presque d'une réédition des dernières années. Nous ne les avons pas vraiment crus ces deux dernières années, mais il semble que cette année, tout le monde y croit. On n'entend pas beaucoup parler à propos de récoltes désastreuses nul part.

Certains de mes lecteurs des régions asséchées du Sud-Ouest de l'Ontario et du Québec ne seraient sûrement pas d'accord. Inutile de dire que la récolte nord-américaine ne cesse de se montrer plus importante. Dans son rapport de juillet, l'USDA a estimé le maïs de la nouvelle récolte à 14,2 milliards de boisseaux et à 4,3 milliards de boisseaux le soya de la nouvelle récolte. Ce calcul est basé sur un rendement de maïs de 174 boisseaux par acre et de soya de 48,5 boisseaux par acre.

L'USDA a également ajusté les stocks domestiques américains et c'est là que les choses se sont gâtées. L'USDA a en fait pris en compte les tarifs de douane chinois sur le soya dans ses estimations. Cela signifie que les exportations américaines ont diminué de 250 millions de boisseaux, ce qui a fait passer les stocks de fin de campagne à 580 millions de boisseaux, soit près de 200 millions de boisseaux de plus que le mois dernier. Inutile de vous dire ce que les prix du soya ont fait. Cette partie de l'équation n’est que mauvaises nouvelles.

En ce qui concerne le maïs, les stocks de la nouvelle récolte aux États-Unis s'élevaient à 1,552 milliard de boisseaux, mais les stocks de l'ancienne récolte à 2,027 milliards de boisseaux. En d'autres termes, il semblerait qu'à ce stade, nous sommes tombé maintenant dans la longue période pré-récolte en ce qui concerne les prix. Au net, le prix du soya de novembre à 8,49 $ aujourd'hui et celui du maïs de décembre à 3,59 $ ne permettent pas d'avoir confiance dans les résultats à venir. On pourrait dire que nous avons déjà vu ce film, mais bien sûr, en 2018, nous savons que ce film est oh combien différent de ce que nous avons vu auparavant.

La question est de savoir ce qui attend les producteurs de grains canadiens à partir de maintenant. Il est vrai que les agriculteurs de l'Ontario et du Québec ont eu l'occasion de vendre le maïs à un prix supérieur à 5 $ le boisseau ce printemps, ainsi que le soya à 13 $. Ce sont de bons prix. En dépit de l'effondrement des prix des cultures, ces prix reviendront un jour ou l'autre. Cependant, personne ne sait quand cela se produira. S'il ne pleut pas bientôt en Ontario, ce pourrait être plus rapidement qu’on pourrait le croire.

Bien sûr, ce n'est pas un plan de commercialisation, mais il s'agit de l'agriculture et c'est pourquoi cela peut parfois être si frustrant. Ces périodes sont différentes de celles des périodes avec des excédents de grains ordinaires, périodes de faibles prix. Le président américain a réfléchi ouvertement à la possibilité d'indemniser les agriculteurs américains pour les préjudices causés par la guerre commerciale.

Espérons qu'on n'en arrivera pas là, mais si c'était le cas, les producteurs canadiens seraient grandement désavantagés. Si nos amis américains étaient fortement subventionnés à cause de préjudices commerciaux, il n'y aurait rien de tout cela ici au Canada. Au Canada, nous avons toujours l'ancien PCSRA, rebaptisé Agri-stabilité par l'ancien gouvernement Harper et soutenu par le gouvernement Trudeau. C'est ce sur quoi nous protestions en 2006 et cela n'a jamais changé et il est toujours totalement inutile de stabiliser le revenu agricole. Si nos amis américains reçoivent des chèques de compensation de leur gouvernement, la seule chose que nous obtiendrons est un dure choque de retour à la réalité. Nous en baverions.

Je dis ça comme ça! Ce n'est certainement pas ce que je veux, mais j'ai déjà vécu ça avant. Cependant, c'est peut-être l'avenir qui se profile si cette guerre commerciale ne se calme pas. Aimer les guerres commerciales faciles à gagner doit porter fruits. Avec d'énormes récoltes en perspective, ce sera une aide énorme pour stimuler la demande. Jusqu'à présent, l'"art de la négociation"* en a détruit au moins 200 millions de boisseaux. J’attend que le voyant s'allume.

* « Art of the deal » – Livre écrit par M. Donal Trump


 


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