Nouvelles Philip Shaw

Dans un nouveau monde où l'approvisionnement n'est pas pris pour acquis

02 février 2022, Philip Shaw

Les deux dernières années ont été toute qu'une aventure. Vous savez tous ce que je veux dire. La COVID-19 a certainement changé notre monde, et nous a tous épuisés. Dans le tiers monde où vivent beaucoup de mes amis, la COVID-19 continue d'être un terreau fertile pour de nouvelles variantes préoccupantes. En Ontario et au Québec, les politiciens réfléchissent à ce qui va suivre. En Saskatchewan, les politiciens disent que nous allons revenir à la normale parce qu'Omicron nous a appris que nous n'avons pas beaucoup de choix en la matière. Comme vous le savez tous, je suis un agriculteur et un économiste agricole, pas un scientifique ou un professionnel de la santé, alors nous continuons à espérer de bonnes choses.

Je ne sais pas si des bonnes choses arrivent parce que nous avons tellement à penser dans notre monde agricole en dehors de semer ses cultures et de nourrir le bétail. Cependant, j'ai trouvé que les nuances liées à la COVID qui affectent l'économie mondiale sont incroyablement intéressantes à réfléchir. Aujourd'hui, j'ai parlé à un vendeur dans le secteur du divertissement à domicile. Il m'a dit qu'il n'avait pas pu obtenir certains types de récepteurs vidéo pendant 12 mois et que c'était entièrement lié aux problèmes d'approvisionnement en matières premières pour fabriquer ces récepteurs. En même temps, le Canada importe beaucoup plus de maïs que d'habitude, surtout pour nourrir le bétail de l'Ouest canadien. Nous avons aussi des interruptions dans l'industrie du bétail simplement à cause de la période dans laquelle nous nous trouvons. C'est une anomalie économique.

Je dis ça parce qu'on a toujours su dans notre société pré-COVID que s'il y a un besoin, il sera comblé rapidement. L'argent a cet effet. Par exemple, en tant qu'agriculteurs, nous avons l'habitude de commander des pièces pour nos équipements. Souvent, nous pouvons en commander une et elle arrivera le lendemain, mais de plus en plus, c'est difficile, surtout si vous avez besoin de pièces liées à votre système de guidage, qui nécessite des puces. À un certain moment, on pouvait penser que cela changerait, mais il est tout à fait évident que même en 2022, cela ne changera pas très rapidement et ces contraintes d'approvisionnement liées à la COVID continuent de défier tout le monde.

C'est certainement le cas sur le marché des grains. Il est facile de juger les prix des grains en fonction des réalités passées. Par exemple, j'en fais ma juste part lorsque j'écris des commentaires sur les produits agricoles. L'histoire est un excellent professeur et lorsqu'il s'agit des principes fondamentaux du maïs, du soya et du blé, c'est souvent un bon baromètre de la direction que prendront les choses. Cependant, il est de plus en plus évident pour moi qu'avec la COVID, c'est très différent. Une grande partie du processus de découverte des prix du grain au cours des six ou sept derniers mois a été plus étroitement liée aux valeurs de base et où vous vous situez dans le monde. De plus en plus, le fait d'avoir  du grain en réserve fait aussi une plus grande différence, surtout en période de pandémie où le transport n'est pas garanti.

Cela a mis l'accent dans une certaine mesure sur le système de livraison juste à temps auquel nous nous sommes tous habitués. C'est tellement agréable quand tout fonctionne, mais clairement en cette période de pandémie, tout ne fonctionne pas comme il se doit et il est très peu probable que la situation revienne à la normale, comme autrefois. Il y a de vrais problèmes ici concernant notre approvisionnement de presque tout. Le simple fait de mettre quelque chose sur un camion ou un bateau de manière transparente et d'espérer un voyage aussi fluide jusqu'à l'utilisateur final devient de plus en plus difficile.

Je n'aurais jamais pu imaginer quoi que ce soit de tout cela sur la base de ma formation d'économiste agricole, car je n'avais jamais connu de pandémie auparavant. Par exemple, parlez-moi des importations canadiennes de maïs américain et je vous parlerai des allers-retours à travers la frontière du Michigan et de l'Ontario au fil des ans. Bien sûr, il y a aussi du maïs américain couramment importé au Québec. Mais, je n'aurais jamais pu imaginer les quantités très importantes de maïs américain expédiées dans l'Ouest canadien cette année qui  font pression sur ce qu'on observe normalement comme dynamique d'importations de maïs au Canada. Bien sûr, ceci est en grande partie liée à la sécheresse de l'an dernier dans l'Ouest canadien, mais l'histoire ne s'arrête pas là. L'industrie canadienne de l'élevage bovin qui achète le maïs est confrontée aussi aux contraintes de la COVID pour sortir son produit final, ce qui est de plus en plus difficile.

Il ne s'agit pas de manger plus de boeuf. Il s'agit de changer la chaîne d'approvisionnement non seulement du bœuf, mais pour tout le reste aussi pour s'adapter à un monde post-COVID qui pourrait persister dans les prochaines années. Cela impliquera probablement de nouvelles technologies, ce qui pourrait signifier des équipements de transport autonome dans certains cas. Cependant, les réponses à ce paradigme problématique évoluent. Je pense que la clé pourrait être que tout le monde réalise que le système de livraison « juste à temps » ne reviendra pas. Nous devrions nous attendre à quelque chose de beaucoup plus récent qui fonctionnera dans un monde où l'approvisionnement n'est pas tenu pour acquis autant qu'il l'était dans le passé.

Comme vous le savez tous, les prix du soya et du canola sont très élevés et les prix des grains en général sont soutenus. Il y a des raisons fondamentales à cela, la sécheresse au Brésil en étant une. Cependant, si vous creusez plus profondément, c'est plus que cela. La pandémie de COVID-19 a changé les goûts et les préférences et a révélé que l'infrastructure économique pour transporter les produits agricoles faisait défaut. Nous sommes arrivés ici les yeux grands ouverts. Mais, personne ne pouvait voir ça venir. Attendez-vous à d'autres surprises pour 2022 et 2023.


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