Le 6 septembre, je m'adresserai à la section locale de l'American Farm Bureau à Noblesville en Indiana. Je parlerai des marchés des produits de base, comme d'habitude, mais aussi de la position du Canada sur nos enjeux commerciaux agricoles au cours des derniers mois. Ce sera ma première intervention avec un public américain et j'ai vraiment hâte d'y être. La situation est si mouvante ; elle peut changer rapidement avec un tweet au petit matin et la promesse d'un nouvel accord bilatéral.
Cela peut paraître inhabituel pour un agriculteur et un économiste agricole canadien d'être invité à s'adresser à un auditoire américain, mais je serais également intéressé par les commentaires des participants. Par exemple, on a annoncé récemment que les agriculteurs américains recevraient des paiements directs totalisant jusqu'à 12 milliards de dollars à compter de septembre, en guise de compensation pour avoir été l'agneau sacrificiel dans la guerre commerciale actuelle sur Twitter. J'espère que mon public américain apportera des idées originales ce soir-là. Les 12 milliards de dollars, j'en suis sûr, seront les bienvenus, mais ils font certainement l'objet de nombreuses critiques de la part des politiciens républicains dans les États agricoles qui préfèrent de loin le commerce, pas les aides.
Lorsque j'ai entendu parler pour la première fois du programme d'aide agricole de 12 milliards de dollars aux États-Unis, j'ai immédiatement commencé à penser aux anciens mauvais jours. Comme vous le savez, cette chronique dure depuis 33 ans et j'ai vu pas mal de subventions au cours de cette période. Il y a des subventions américaines et des subventions canadiennes, mais, de façon générale, les subventions agricoles américaines ont un effet négatif indirect sur l'agriculture canadienne. Je n'ai pas vu venir les 12 milliards de dollars, mais j'ai vu des montants moindres avant et avec le libre-échange du grain entre les États-Unis et le Canada, le « grain américain subventionné » suscite rapidement la controverse en Ontario et au Québec.
Au cours des 33 années où j'ai rédigé cette chronique, j'ai toujours dit que le gouvernement américain s'occupe de ses agriculteurs et, bien sûr, cela implique que le gouvernement canadien ne s'occupe pas des siens. Le programme d'aide de 12 milliards de dollars aux agriculteurs américains en est un exemple. Cela place les producteurs canadiens dans une position très difficile parce que nous avons toujours le même filet de sécurité agricole qu'en 2006, alors qu'il y avait des manifestations partout en Ontario et au Québec. Ils sont incompétents, dépassés et envieux. Pour résumer, alors que cet automne les agriculteurs américains seront fortement subventionnés pour les aider à faire face à la baisse des prix engendrée par une guerre commerciale, il n'y aura rien de tel pour les agriculteurs canadiens.
Les pressions s'intensifient au Canada en faveur d'une solution commerciale globale. Par exemple, tous les agriculteurs aimeraient voir les Américains vendre leur soya en Chine sans droits de douane. Nous aimerions également voir une résolution de l'ALENA sans démantèlement de notre système de gestion de l'offre de produits laitiers. Cependant, nous savons que le président américain a ses propres critères de réussite. Il a d'ailleurs rencontré le président de la Commission européenne au sujet du commerce à Washington. Après la réunion, le président de l'Union européenne et le président Trump se sont félicités, affirmant que les tarifs industriels seront abaissés et qu'un plus grand nombre de de soya américaines affluera en Europe. En fait, le président Trump a dit lors de la conférence de presse : « Le soya, c'est important. » En regardant cela, je me demandais ce que cela signifiait pour le Canada.
La situation est étrange. Le Canada et les États-Unis entretiennent les relations commerciales les plus importantes du monde et de bonnes relations pour la plupart depuis 1814. En réalité, la plupart du temps, les Américains et leur gouvernement ignorent les Canadiens. J'ai trouvé la rencontre européenne avec Trump intéressante parce que les problèmes entre les deux ont en fait augmenté les exportations de maïs de l'Ontario cette année vers l'UE. L'UE a imposé des droits de douane sur le maïs américain plutôt que sur l'acier et l'aluminium des États-Unis, et le maïs de l'Ontario a remplacé une partie de ces droits. Avec la sécheresse qui sévit actuellement en Europe occidentale, il y a moins de blé fourrager et il faudra importer plus de maïs. Cependant, je n'ai entendu personne parler du maïs américain après la rencontre du président avec l'UE.
Il me semble que le Canada est en difficulté dans ses relations commerciales avec les États-Unis. Il est difficile de voir une administration américaine nous traiter ainsi. Inutile de dire que le chemin risque d'être difficile, mais le bon sens va sûrement prendre le dessus.
Le rapport de l'USDA d'août 2018 n'a pas facilité les choses. L'USDA a fixé le rendement du maïs canadien à 178,4 boisseaux à l'acre, pour un total de 14,59 milliards de boisseaux. Les stocks de maïs ont atteint 1,68 milliard de boisseaux. Toutefois, le soya est aussi arrivé en tête avec 51,6 boisseaux à l'acre, ce qui frôle un record. On prévoit que les stocks de soya à la fin de la nouvelle récolte s'élèveront à 785 millions, ce qui est supérieur aux attentes commerciales. Les stocks de l'ancienne récolte s'élevaient à 461 millions de boisseaux. Le soya a dégringolé suite à ces informations, terminant la journée avec 42 cents de moins. L'USDA a clairement modéré l'action sur les prix pour les prochaines semaines. Ensuite, ce sont les 12 milliards de dollars qui seront versés aux agriculteurs américains en septembre.
Les 12 milliards de dollars versés aux agriculteurs américains me donnent à penser que ce problème avec les États-Unis et la Chine ne se terminera pas par un tweet matinal. Alors passons à autre chose. Je pense que mes amis américains cultiveront beaucoup plus de maïs que de soya l'an prochain. Les forces du marché engendrées par la géopolitique peuvent contraindre les agriculteurs à revenir au maïs. Les exportations de maïs américain sont beaucoup plus éparpillées. La Chine ne prédomine pas sur les achats comme pour le soya américain. Passé cette année, ça pourrait être un pari intéressant.