La Banque du Canada a récemment campé sur sa position et gardé le taux d’intérêt directeur à 0,5%. Votre fidèle chroniqueur était tout aussi intéressé qu’il l’est comme toujours à propos de ce qu’allait à ce moment faire son jumeau perdu (le gouverneur de la Banque du Canada, M. Stephen Poloz, et moi-même avons une étrange ressemblance physique, semble-t-il). Il y a eu dernièrement pas mal de discussion à l’effet que la Banque du Canada réduirait les taux d’intérêt en raison de la détérioration de l’économie canadienne. J’étais donc dans le camp de ceux qui s’attendaient à une coupure du taux. J’ai manqué mon coup. La Banque du Canada a décidé qu’une réduction du taux n’était pas nécessaire et que le dollar canadien était mieux sans ça.
Nous vivons une période particulièrement intéressante pour l’économie canadienne. J’écris cette chronique depuis 30 ans maintenant, et j’ai souvent commenté au sujet du taux d’intérêt. Je m’intéresse beaucoup à la politique monétaire, entre autres en raison de ma formation comme agroéconomiste. Vous avez déjà entendu mes histoires à propos des taux d’intérêt à 20%. Par contre, présentement, avec des taux d’intérêt aussi bas, il y a même le spectre des taux d’intérêt négatifs qui plane à l’horizon. Je dois dire que si nous en arrivons à ce point où nous avons des taux négatifs, et que les banques escomptent notre argent déposé à la banque, j’aurai peut-être à me trouver une autre carrière. Essayé de comprendre ça pourrait être simplement trop pour moi.
Je ne dis pas que ça ne pourrait pas arriver. C’est déjà une réalité dans des endroits comme la Suède et le Danemark. L’idée étant que de forcer du capital dans l’économie peut créer des emplois et de la richesse versus le mettre de côté hors de porté dans une banque quelconque. Cependant, présentement, c’est une théorie. Laissons ça comme ça pour l’instant.
Je suis définitivement un admirateur de la Banque du Canada. Je trouve ça particulièrement intéressant comme institution et elle fournit tellement d’analyse économique au public. Dans son dernier rapport de la politique monétaire, la Banque du Canada explique le changement structurel que subit présentement l’économie canadienne. Il est survenu à cause de la chute précipitée du prix du pétrole. La Banque du Canada le décrit partiellement de cette manière dans les trois paragraphes qui suivent extrait de son rapport.
« Ce choc est complexe parce qu’il est généré par plusieurs forces en action : le Canada gagne moins de revenus du reste du monde, notre secteur des ressources commence à s’amincir, le dollar canadien se déprécie, et le secteur des « non-ressources » est en expansion. »
« Une des implications est que ce pourrait prendre jusqu’à trois ans pour que le plein impact économique soit ressenti, et même plus longtemps pour que tous les ajustements structuraux prennent place. »
« Tout d’abord, le dollar canadien a reculé de manière importante depuis octobre, ce qui signifie que les secteurs « non-ressources » de notre économie ont reçu passablement plus de stimulus que nous avions prévu à ce moment. Rappelons-nous que ça peut prendre jusqu’à deux ans pour que le plein effet d’un dollar plus faible soit ressenti. »
** Rapport Politique Monétaire 20 jan. 2016)
Tout ceci était très intéressant pour moi. Dans ce rapport, la Banque du Canada poursuit en disant qu’en outre, la faible valeur du dollar canadien ajoute à l’inflation, et qu’ils auront à s’ajuster en conséquence. Clairement, il s’agit d’une période précaire pour l’économie canadienne. Vous n’avez pas la Banque du Canada qui parle de changement structurel à long terme sans sérieuses répercussions économiques pour les Canadiens.
Les implications pour l’agriculture canadienne seront significatives. Oui, comme j’en ai fait mention la semaine dernière le dollar canadien est bon pour les producteurs. Cependant, nous n’opérons pas sous vide. Nous dépendons d’une meilleure économie canadienne en santé. Ceci nous aide avec la demande domestique pour nos produits. Bien sûr, nous avons tous des familles qui ne travaillent pas nécessairement en agriculture et ils ont besoin de travail. Le fait est qu’une économie canadienne en santé est bénéfique pour nous tous. La Banque du Canada télégraphie certains des changements structurels qu’elle anticipe. Dit simplement, ce n’est pas « qu’optimiste ».
Dans les prochaines semaines, nous apprendrons comment notre gouvernement travaillera avec cette situation. Vous pouvez vous attendre à de nombreux stimulus fiscaux. Ceci veut dire beaucoup de dépenses du gouvernement, un déficit beaucoup plus élevé comme vous ne l’avez probablement jamais imaginé. C’est vrai, le gouvernement libéral a fait campagne sur ça, mais ils n’avaient pas vu cette situation économique venir. La Banque du Canada anticipe le changement de politique fiscale avec des stimulus et s’ajustera en conséquence.
Ce flux de métaux de fer qui prend le chemin du sud n’est pas un mirage. C’est le résultat d’un faible huard avec les acheteurs américains qui font la queue à la frontière. Est-ce que ça continuera? Très possible, mais ce qui est moins sûr est le futur de l’économie canadienne. La Banque du Canada parle de « changement structurel ». C’est le signal pour un changement majeur, des pertes d’emplois, des fortunes perdues, et un changement des plateformes économiques sur le terrain. Je suppose que ce n’est pas quelque chose qu’un prix du pétrole à 100$ ne changerait pas. Cependant, c’est un pas de 70$ à franchir. Le défi que nous avons au Canada devant nous en est un économique. Cette fois-ci, ce sera un chemin cahoteux.