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Lire la « base » : La valeur qui détermine quand le grain bouge

06 novembre 2015, Philip Shaw

Je récolte l’une de mes plus importantes récoltes de maïs. En fait, je me demande même où je mettrai tout ça. C’est cependant une très bonne chose, puisque comme producteurs c’est ce sur quoi nous travaillons à avoir toute l’année. Nous faisons face à une courbe de demande parfaitement élastique pour nos récoltes. En d’autres mots, ça n’a pas vraiment d’importance ce que nous produisons, ça n’a pas d’impact sur le prix de nos grains. Nous sommes des preneurs de prix. Alors, chaque printemps dans le sud-ouest de l’Ontario, je vais dans le champ en espérant produire le plus que je peux. En 2015, pour moi ça semble tout comme des niveaux record.

C’est une bonne chose pour moi, puisque malgré tous les problèmes que j’ai eus avec la météo cette année, pour peu importe la raison, j’ai une bonne récolte. Ça veut aussi dire que mes voisins de l’autre côté de la rue ont également une bonne récolte. Nous aurons donc en Ontario à trouver un moyen de faire quelque chose avec cette abondance. Ça met certainement en place le spectre d’une offre qui dépasse nettement la demande en Ontario.

C’est là que ça devient assurément intéressant quand vient le temps d’établir les prix pour les commodités de la ferme en Ontario. Comme nous le savons tous, les prix de nos commodités sont établis sur les marchés à terme avec un ajustement pour la base. Avec autant de récolte qui ressort des champs de l’Ontario cette année, ça devrait certainement occasionner des variations très intéressantes de la base.

Bien sûr, j’ai défini la valeur de la base comme celle qui détermine quand le grain se met à bouger. Si la base dans le maïs est de plus de +1,00$ au-dessus du contrat à terme courant en Ontario, c’est la valeur à laquelle le grain bouge. Si c’est +50 ou -50, la définition reste la même. C’est la même chose pour tous les types de valeur de base pour le soya ou le blé. C’est le reflet de l’offre et la demande locale pour le grain à un certain moment dans le temps dans une région donnée. La clé à mon avis est de rester avec une définition simple de la base. Anticiper les niveaux des bases et leurs changements peut être cependant très difficile à déterminer.

J’ai eu une discussion avec une analyste américaine du marché des grains aujourd’hui concernant la base. Elle a écrit un article sur la « base » pour une revue agricole américaine populaire. Dans l’article, la base était référée comme étant en fonction de l’offre et la demande locale, ainsi que de la présence d’élévateurs à grains et d’acheteurs dans la région. C’est du bon matériel, qui peut s’appliquer pour l’Ontario. En essence, le travail de la base est d’amener le grain là où il est, à là où il ne l’est pas. C’était un des très bons points apportés par l’écrivaine américaine. Le défi bien sûr est de comprendre et d’avoir la connaissance du marché sur comment fonctionnent l’offre et la demande locale. C’est extrêmement difficile.

Je dis ça parce que c’est difficile de savoir si les producteurs vendent ou non. C’est difficile de savoir si des bateaux pour l’exportation sont en cours de chargement dans les ports de l’Ontario. C’est difficile de savoir dans le monde « oligopolistique » des usagers de grains en Ontario, qu’est-ce qu’ils pensent. Dit simplement, c’est tout simplement difficile de savoir comment la base va changer selon les circonstances tant qu’elles ne sont pas survenues. Lorsque vous ajoutez la composante du taux de change de la base canadienne dans le mélange, ça devient d’autant  plus difficile à savoir. Cependant, ayant dit tout ceci, la base n’est pas une énigme. C’est simplement la valeur à laquelle le grain se met à bouger.

Il y a une très grande différence entre la définition de la base américaine, et celle de la base canadienne. 99 % de tout ceci est en lien avec le taux de change entre le dollar US et le dollar canadien. Lorsque je pose des questions à mes amis américains à propos des niveaux des bases, ils ne prennent généralement pas en compte le taux de change entre la frontière américaine et canadienne. C’est compréhensible puisque les échanges transfrontaliers de grains entre l’Ontario et le Michigan sont un phénomène local dans un univers beaucoup plus grand qu’est le monde du grain aux États-Unis.

En Ontario et au Québec, la fluctuation du dollar canadien au cours des deux dernières années a eu un impact très important sur les niveaux des bases canadiennes pour les grains. Présentement, en Ontario, nous avons une base de +70 cents pour le maïs et de +2,20 pour le soya dans le sud-ouest de l’Ontario. Dans une très large mesure, c’est une simple conversion avec le taux de change des prix du marché à terme. Avec le maïs en Ontario et au Québec c’est un peu différent, avec le taux de change qui est important, mais le test décisif restant toujours le prix américain de remplacement du maïs entrant en Ontario. Généralement, le maïs en Ontario a besoin d’être exporté à la récolte et puis importé ensuite plus tard dans l’année. Ceci entraine généralement une valeur de base à l’importation beaucoup plus élevée que la base à la récolte. Ça ne finit que rarement exactement de cette manière, mais en général c’est comme ça que ça fonctionne. C’est une situation fluide chaque année.

Nul besoin de préciser qu’avoir une connaissance et un suivi au quotidien du marché de la base est la clé pour repérer des opportunités. Gardez à l’esprit, encore une fois, que la définition de la base est simple, c’est la valeur à laquelle le grain bouge. Avec le dollar canadien aussi bas autour de 0,75 $US, ça crée en quelque sorte une illusion d’optique que les prix du jour (comptant) sont quand même très bons, alors qu’en réalité ils sont basés sur les valeurs du marché à terme, qui sont très faibles. Au Canada, comme producteurs de grains, c’est notre constante. Aux États-Unis, ça ne fonctionne pas de cette manière, le dollar américain est le dollar américain et c’est de la manière que ça fonctionne.

Alors cette année en 2015, la valeur de la base est plus serrée dans la portion Est du Corn Belt où la météo trop humide du printemps a endommagé les cultures versus la portion Ouest du Corn Belt, où les cultures ont bien été. En même temps, l’été dernier en Ontario, la valeur de la base du blé a chuté de 1,10 $ en très peu de temps en raison des inquiétudes concernant la qualité. La base peut être simple, mais aussi très complexe. C’est simplement la valeur qui détermine quand le grain se met à bouger. C’est comme un élastique qui s’étire et se contracte continuellement. Être du bon côté peut être parfois un très bon défi.

 

 

 


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