Avec l’âge on gagne en perspective. C’est une belle manière de voir les choses; même si certains pourraient le voir d’un autre oeil. Ceci dit, lorsque j’ai commencé à écrire cette chronique chaque semaine pour les 29 années qui allaient suivre, la perspective que j’avais était bien différente. Je ne sème pas le maïs de la même manière que je le faisais avant. En fait, je le fais de façon beaucoup plus efficace. Cependant, le monde a changé et, avec le temps, avoir de la perspective peut être un véritable atout.
Je dis cela pour de nombreuses raisons, mais entre autres en tant qu’économiste agricole. Avec les prix des commodités à de très faibles niveaux présentement, il me revient en mémoire plusieurs moments au cours de ma carrière où j’ai semé surtout par espoir. Oui, j’ai souvent dis que l’espoir n’est pas un plan pour gérer son risque. Sauf que, inutile de le dire, quand les taux d’intérêt étaient à plus de 20 % lorsque j’étais plus jeune, on avait besoin d’avoir de l'espoir pour continuer. Heureusement, ces jours ne sont jamais revenus et, en fait, pourraient ne jamais le faire non plus.
Je m’émerveille en fait de tous les nouveaux outils que j’ai sur ma ferme pour m’aider à gagner en efficacité. J’ai l’embrayeur automatique sur tout et j’utilise la technologie à taux variable pour mes engrais. J’ai toujours vu la nouvelle technologie comme un moyen de réduire mes coûts. Ça peut être aussi un moyen pour aller de l’avant vers le futur. Cependant, ça ne change rien que nous soyons en 2015 ou en 1986, si quelque chose ne paie pas, les paramètres agroéconomiques disent que ça ne fait pas de sens.
Essentiellement, l’agroéconomie est la gestion de la rareté dans le royaume de l’agriculture. Sur la ferme, c’est très facile à comprendre. Lorsque je regarde mes opérations de ferme j’ai à les gérer sur la base d’un budget qui est limité. En fait, plusieurs des pièces d’équipement que j’ai sont basés sur la gestion de la rareté sur plusieurs années. Bien sûr, l’un des plus grands facteurs que les fermes canadiennes ont à gérer au fil des années est la rareté du capital. Cependant, avec des taux d’intérêts aussi faible en 2015, je vois rarement ce facteur mentionné comme obstacle à la croissance d’une ferme.
Plus tôt dans ma carrière, on pouvait toujours pointer du doigt les banques canadiennes comme les méchants de l’histoire, surtout lorsque venait le temps de parler de l’intérêt perçu sur les prêts. Aujourd’hui, en 2015, les taux d’intérêts sont devenus tellement bas que l’écart entre ce que les banques perçoivent sur un prêt et ce qu’elles prêtent n’est pas aussi enviable. Les banques commencent donc à augmenter leurs frais sur les choses les plus étranges qu’il soit afin de demeurer profitables. Pour ceux d’entre nous qui ont vécu l’époque des taux d’intérêt élevés, c’est tout qu’un changement de culture. Même chose pour les comptes bancaires en ligne et les dépôts de chèque avec une photo prise sur son iPad. Apprendre à s’adapter dans cet environnement continue d’être un défi pour ma part.
Bien sûr, nous voulons tous avoir du succès. Connaître le succès en cette période de faible taux d’intérêt nécessite un type de gestion différent. Et, à ce niveau, je l’ai échappé quelques fois. Par exemple, je n’avais pas vu venir la hausse du prix des terres à un tel niveau comme elle l’a fait. Sauf qu’à regarder en arrière, cela fait du sens en partie, surtout dans un environnement ou les taux d’intérêt sont bas. Ajoutez à ce tout cela les nouvelles technologies; l’entrepreneur à succès de 2015 et des années à venir devra être beaucoup plus apte à trouver le bon équilibre entre acquérir de nouveaux actifs, et rembourser ses dettes.
Je dis ça parce que l’expérience vous donne de la perspective. Tout au long de ma carrière, j’aime à croire que j’ai à peu près tout vu ce qui pouvait m’arriver sur la ferme. J’ai eu trop de pluie, trop de sècheresse, trop de gelée, trop de maladies, trop de mauvaises chances et en même temps quelques très bons coups. L’agriculture est cyclique, et les cinq dernières années ont été incroyables pour beaucoup de producteurs. Bien sûr, la question est de savoir maintenant si des temps plus durs viendront à nouveau remettre en question notre gestion comme ils l’ont déjà fait à plusieurs reprises par le passé.
Dans ma perspective, ça ne fait aucun doute, mais ce n’est pas nécessairement imminent. Lorsque j’ai commencé à cultiver il n’y avait pas d’internet, et les disques huit pistes étaient la grosse affaire. En 2015, les choses ont bien changé. Le gros débat de la dernière année a été les abeilles, pas la chute des prix de 50 %. Dans un monde d’argent qui ne vaut pas cher, il semble qu’on puisse ignorer ça. Les perspectives changent et nous le devons également.