Nouvelles Philip Shaw

Vers 2026 : patience, gestion du risque et l’aventure continue

26 décembre 2025, Philip Shaw

Le chemin est long et sinueux, mais on avance. 2025 fini rapidement et, avant même de s’en rendre compte, on accueillera la nouvelle année. En Ontario et au Québec, on souhaite bien des choses, mais en 2026 plusieurs d’entre nous espéreront surtout des pluies régulières tout au long de l’année. S’il y a eu un thème récurrent dans une bonne partie de l’Ontario cette année, c’est bien le manque de pluie en juillet, août et septembre, qui a nui aux rendements de maïs et de soya partout dans la province. Espérons qu’en 2026 les pluies seront au rendez-vous.

Bien sûr, ce n’a pas été le cas pour tout le monde — ça ne l’est jamais. Quelqu’un se trouve toujours en exception, et c’est là que je me suis retrouvé en 2025. J’ai eu toutes les pluies au bon moment, avec des rendements record en maïs, et j’espère faire encore mieux en 2026. L’agriculture se joue sur le long terme. Comme je l’ai dit bien des fois, la gestion du risque ne se démode jamais.

Cela dit, il y a un an, le maïs mars se situait autour de 4.42$ le boisseau. En écrivant ces lignes le jour de Noël, le maïs mars était à 4.50$ le boisseau. Donc, malgré une année mouvementée, on termine seulement à cinq cents de plus qu’il y a un an. À l’inverse, le contrat de soya janvier à court terme était à 10.62$ le boisseau, alors qu’il était à 9.88$ l’an dernier. On s’en tire donc un peu mieux du côté du soya, même si l’on a reculé d’environ 1$ depuis la mi-octobre. J’aimerais demander aux lecteurs : a-t-on vraiment accompli grand-chose, au cours de la dernière année, du côté des marchés?

Il est facile de répondre en disant que non : pas tant que ça. Par exemple, les occasions de marché de cette année sont apparues en octobre, au creux du surplus de récolte, où le soya semblait ouvrir la voie, porté par des rumeurs d’achats chinois qui ne se sont toujours pas concrétisées. C’était une année où il y a eu très peu d’occasions de commercialiser les grains — et ce, même si l’on remonte à il y a un an. Cependant, même s’il y a eu très peu d’occasions, il y a quand même eu quelques moments où le marché nous a offert une période. C’était bref et fugace, mais c’était là. Par exemple, du maïs nouvelle récolte pouvait être contracté à plus de 6$ le boisseau pour livraison à l’automne, et le soya a fini par valoir plus de 15$ au moment de la récolte.

Ce n’a pas été l’année la plus simple pour capter des occasions de marché — pourtant nettement plus élevées que l’année précédente. En regardant vers 2026, c’est exactement ce que je cherche : des prix des grains beaucoup plus élevés. Je dis ça, bien sûr, parce que je suis haussier sur les grains depuis 40 ans. Mais je suis aussi pleinement conscient que nos amis d’Amérique du Sud produisent encore une récolte record et que, si l’on fait ce qu’on souhaite en Amérique du Nord, on essaiera d’en faire autant. On est pris dans le cycle vicieux de l’efficacité agricole.

Plusieurs diront que c’est le signe des temps : des grains, il y en a presque partout. Il suffit de regarder le marché du blé pour s’en rappeler constamment. On sait que nos amis d’Amérique du Sud ont toujours beaucoup de soya sous leurs ciels tropicaux bleus. Toutefois, il est aussi vrai que les exportations américaines de maïs atteignent des records — et ça, on ne peut que s’en réjouir. Par exemple, le USDA, dans ses dernières projections 2025/2026, estime les exportations à environ 3.2 milliards de boisseaux. C’est au-dessus des 2.72 milliards de boisseaux expédiés l’an dernier. De plus, si l’on regarde le rythme d’exportation à la fin novembre, ce chiffre se traduirait par un total encore plus élevé, possiblement au-delà de 4 milliards de boisseaux. On verra comment tout ça se déroulera, mais le maïs semble occuper une position haussière à long terme.

Un indicateur que j’aime toujours examiner est le coût du portage commercial. À l’heure actuelle, l’écart entre les contrats à terme de maïs mai 2026 et juillet 2026 couvre un portage haussier de 28% du portage commercial complet calculé. Gardez à l’esprit que cela représente le coût total — entreposage et intérêts — pour conserver des boisseaux dans une installation commerciale. Ce que cela nous dit, c’est que les négociants deviennent de plus en plus nerveux à l’idée de sécuriser des approvisionnements en maïs durant cette période de mai à juillet 2026. Qu’il y ait un accroc sur le marché, et les prix montent beaucoup plus haut. Toutefois, n’oublions pas qu’il y a un an, nous avions une structure de marché très similaire. Au final, le maïs a surtout évolué de façon latérale presque toute l’année.

Gardez aussi en tête qu’en 2026, notre monde géopolitique changera sûrement. À la fin de 2025, on entend des commentaires voulant qu’en 2026 la paix puisse se faire entre l’Ukraine et la Russie. En même temps, nous le savons en tant que Canadiens : nous avons notre lot de problèmes — le canola avec la Chine, et presque tout le reste avec les États-Unis. L’accord USMCA sera révisé en 2026 et cela risque fort de créer encore plus de friction avec les États-Unis et tout ce que cela représente. Difficile de dire où tout cela nous mènera, mais d’ici, ça ne semble pas très bon.

Alors que 2025 se termine et que 2026 commence, nous revoilà, encore une fois. Plusieurs d’entre nous ont déjà connu cette situation, et nous la connaîtrons encore. Le défi, pour les agriculteurs de l’Ontario et du Québec en 2026, restera essentiellement le même : garder le cap, surveiller attentivement le marché et reconnaître l’occasion lorsqu’elle se montre — brièvement — à nous. Il y aura beaucoup de bruit sur la route, de la météo à la politique en passant par le commerce, mais rien de tout cela ne change la réalité de base : l’agriculture est un jeu de longue haleine. Au bout du compte, on réussira — mais ce sera assurément toute une aventure pour s’y rendre.


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