Nouvelles Philip Shaw

Ne soyez pas trop gourmands : la gestion du risque est toujours d’actualité

27 avril 2021, Philip Shaw

Les signes de dollar continuent de grossir dans ma tête ce mois-ci alors que les prix des grains profitent toujours d’une forte tendance haussière. Au moment où j'écris ces lignes, en Ontario et au Québec, le prix du maïs de l’ancienne récolte est d'environ 8 $ le boisseau et celui du soya de 19 $ le boisseau. Le maïs de la nouvelle récolte peut être vendu lui directement sortie de la batteuse pour 6,55 $, considérant bien entendu la hausse limite journalière de ce 22 avril. Le soya de la nouvelle récolte peut être vendu lui à 16,22 $ le boisseau. Pour les producteurs de grains du Québec et de l'Ontario, c’est l’un des meilleurs moments qui soient. Avec la mise en terre du maïs, c’est une année rentable qui devrait s'annoncer.

Pour moi, le processus des ensemencements commencera sûrement la semaine du 26 avril avec du beau temps. Des températures élevées sont prévues prochainement, mais le froid est arrivé la semaine dernière. Cette vague de froid s'est étendue jusqu'au Midwest américain et au sud. Elle se poursuit ce soir et l'on s'inquiète certainement des dommages causés aux cultures de blé. Bien sûr, tout retard dans les semis est un autre problème qui rend les producteurs de grains nerveux.

Nous verrons bien. Je surveille constamment ces marchés, je lis toutes sortes de commentaires et, bien sûr, j'écris même les miens pour le compte de Grain Farmers of Ontario. Je savais qu'il se passait quelque chose l'automne dernier, mais je n'avais aucune idée de l'ampleur que cela prendrait. Je ne le sais toujours pas et je passe un temps fou sur Twitter et au téléphone avec des agriculteurs qui me demandent quel sera le prix du maïs et du soya. Cette fois-ci, je dis à tout le monde : regardez les prix comptants des grains en Ontario et au Québec par rapport à leur prix à la bourse. Ceux-ci ne sont pas près des niveaux records établis en 2012. Cependant, les prix comptant du soya en Ontario et au Québec n'ont jamais été aussi élevés, et le maïs s’en rapproche. Il y a une grande différence entre « cette époque-ci » et « cette époque-là » quand les prix étaient élevés. En tant que Québécois, le taux de change peut faire toute la différence. Il faut évaluer la situation dans son ensemble lorsque vous décidez de la signification de ces prix.

Inutile de dire que les marchés des grains sont en mouvement et que le maïs roi tente de prendre la tête au détriment du soya. Il s'agit en partie d'une vieille histoire liée à la Chine et à une récolte de maïs légèrement inférieure aux prévisions l'année dernière aux États-Unis, mais aussi à un temps sec au Brésil. Comme vous le savez tous, le Brésil a enregistré une nouvelle récolte record de soya, mais une partie de cette récolte a été plantée tardivement. Avec un démarrage tardif, cela signifie qu'une partie de la récolte de maïs Safrinha d'hiver a été semée en retard et maintenant le temps devient sec. Cela rajoute un peu d'huile sur le feu pour le prix du maïs.

Ceci est une parenthèse dans le retour lui-même de la Chine sur le marché du maïs en 2020. Selon Agricultural Economic Insights, la Chine a acheté 272 millions de boisseaux de maïs en 2020. C'est énorme par rapport aux années passées. Entre 2010 et 2013, les Chinois avaient acheté pas mal de maïs, avec un pic en 2012 à 171 millions de boisseaux. Les achats chinois de maïs américain ont été agressifs au début de l'année 2021 et nous espérons tous que cela va continuer. Inutile de préciser que le maïs vaut tellement plus maintenant que l'on peut se demander quand le géant en aura assez.

Du côté du soya, il semble que l'appétit insatiable de la Chine pour le soya soit de retour pour 2021. Toutefois, si l'on y regarde de plus près, ce que l’on pensait nouveau n'est en fait qu'un retour dans le passé. Pendant le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, les exportations de soya vers la Chine se sont élevées à 302 millions de boisseaux en 2018 et à 830 millions de boisseaux en 2019. C'est bien loin des 1,27 milliard de boisseaux de soya américain que les Chinois ont acheté en 2020. Les achats chinois de soya étaient supérieurs à 1 milliard entre les années 2014-2017, avec un pic à 1,6 milliard de boisseaux en 2016. À bien des égards, tout ce que nous pouvons espérer, c'est que ces niveaux soient maintenus. Les Chinois préféreront probablement le soya brésilien, malgré toutes les tensions géopolitiques qui peuvent exister avec nos amis américains.

Les Chinois peuvent-ils continuer à pousser leur demande de grains? Nous avons entendu des rumeurs sur une résurgence de la peste porcine africaine (PPA), mais que savons-nous vraiment? Selon le Bureau chinois des statistiques, la production porcine du premier trimestre a augmenté de 31,9% par rapport à l'année dernière. Le nombre total de porcs est de 415,95 millions. Les États-Unis, quant à eux, comptent 80 millions de porcs. Prenez un instant pour y réfléchir. C’est un concept hallucinant. Ces porcs ont des besoins alimentaires énormes. Si l'on ajoute à cela les chiffres de la croissance économique chinoise post-Covid en 2021, cela devrait être de bon augure pour la demande de grains en 2021.

C'est une bonne chose du côté de la demande, mais qu'en est-il de l’offre? Eh bien, pour moi, cela commencera probablement la semaine prochaine lorsque j'appuierai sur le bouton Guidage Automatique pour essayer d'augmenter cette réserve de 350 millions de boisseaux de maïs en Ontario. Idem pour mes nombreux amis des régions agricoles du Québec. Avec un peu de beau temps la semaine prochaine, cela devrait permettre à nos amis américains de bien entamer leurs 91,1 millions d'acres de maïs et 87,6 millions d'acres de soya. Donnez-nous du beau temps et de bonnes récoltes et nous pourrons probablement maintenir les prix. Toutefois, les stocks de fin d’année ne seront pas ce qu'ils étaient en 2018, 2019 et 2020. Les attentes sont susceptibles de diminuer légèrement avec de bonnes récoltes. Toutefois, si la récolte américaine est décevante ou inférieure à celle de l'année dernière, les prix des grains de la nouvelle récolte en tiendront compte.

Le défi pour les agriculteurs du Québec et de l'Ontario est de mesurer où ils se trouvent dans cet environnement de marché haussier. Les renseignements quotidiens sur le marché seront utiles. Connaître les relations entre les prix à la bourse et les prix au comptant. Connaître les conditions météorologiques. Informez-vous sur les tendances saisonnières des prix des grains. Ne soyez pas trop gourmands. Car finalement, la gestion des risques reste toujours de mise.

 

 

 

 

 


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