Nouvelles Philip Shaw

L’optimisme règne sur le marché des grains

21 janvier 2021, Philip Shaw

La météo de janvier a été clémente. La mi-janvier me va bien, car elle symbolise toujours un nouveau cycle autour du soleil. Un mois de janvier sans neige ni gel c’est un peu effrayant, mais c'est pourtant ce que j'ai eu. L'autre jour, une personne qui ne travaille pas dans l'agriculture s'est exclamée devant moi : les agriculteurs préfèrent un hiver rigoureux. J'ai répondu : oui, on peut le dire, car nos froids hivers canadiens ont souvent pour effet de réduire les parasites et de reconstituer la structure des sols. Il va sans dire que cela peut encore arriver, je touche du bois. Le mois de janvier symbolise beaucoup de choses, et les températures glaciales en font généralement partie.

Nous connaissons tous l'autre problème de la mi-janvier. Mis à part le froid, nous attendons toujours le rapport de janvier de l'USDA, et la série de nouvelles qui correspond aux finales de la Coupe Stanley, du Super Bowl, de la Coupe Grey et de la Coupe Vanier réunies. Bien que l'économie des grains évolue au fil du temps, le rapport de janvier de l'USDA peut souvent être explosif. Cette année fut l'une de ces années.

Le 12 janvier, l'USDA a lancé une bombe sur le marché des grains. L'USDA a réduit le rendement du maïs américain de 3,8 boisseaux par acre à 172 boisseaux par acre, faisant chuter la production à 14,182 milliards de boisseaux. L'USDA a également réduit les stocks de report de maïs de l'ancienne récolte de 76 millions de boisseaux, ce qui, combiné à des rendements plus faibles, a fait chuter l’offre de maïs 2020/21 de 400 millions de boisseaux. Tout cela d'un simple trait de plume. La consommation de maïs a en fait été légèrement réduite, mais le maïs a grimpé en flèche à sa limite journalière permise (limit up). Le soya a suivi en partie parce qu'il semble n'aller que dans une seule direction.

Enfin, pas vraiment, mais vous avez compris. Tout le monde s'est concentré sur les stocks de soya en fin de campagne qui ont atteint 140 millions de boisseaux. Il s'agit d'une baisse de 35 millions de boisseaux par rapport aux estimations de décembre. L'USDA a également réduit le rendement d'un demi-boisseau par acre à 50,2 boisseaux par acre. L'USDA a aussi augmenté les exportations de trituration et de soya. L'USDA a maintenu la production du Brésil à 133 MMT et celle de l'Argentine à été réduite à 48 MMT. Le soya a décollé avec le maïs, bien que pour moi, le maïs soit la plus grande surprise.

La production de blé aux États-Unis est restée la même que dans le rapport de décembre, mais l'utilisation a augmenté et les stocks finaux ont chuté en dessous des attentes. Comme je l'ai déjà dit, il faut examiner les bilans de l'offre et de la demande dans les différentes catégories de blé. En Ontario, nous cultivons principalement du blé tendre rouge d'hiver. La semaine dernière, il a pu être contracté ici à plus de 7,50 dollars le boisseau. Au Québec, les prix du blé de printemps sont très élevés. Si le prix du maïs s'enflamme davantage, vous pouvez vous attendre à ce que davantage de blé entre dans les rations alimentaires.

Donc, nous y voilà. J'ai fait une présentation sur Zoom aux agriculteurs de l'Est de l'Ontario la semaine dernière. À ce moment-là, le prix à Chicago du maïs avoisinait 5,37 $ et celui du soya 14,30 $. Il y a environ 10 mois, nous étions à 3,68 $ pour le maïs et à 8,92 $ pour le soya. Si vous avez vu cela venir il y a 10 mois, vous êtes meilleurs que moi. Oui, l'année a été bizarre, mais maintenant, on dirait que l’optimisme domine pour les prix des grains.

Comment en sommes-nous arrivés là? C'est une longue histoire, mais elle a de nombreuses facettes. Un analyste a récemment déclaré sur Twitter que le printemps dernier, nous avons semé en plein "vent de panique". À l'époque, la Covid était perçue comme un monstre. Avec le recul, il va sans dire que ce monstre a détruit notre optimisme et qu'il a peut-être fait son apparition sur le terrain. L'USDA a fini par nous dire que la récolte n'était pas ce que nous pensions. En même temps, cette prise de conscience est intervenue surtout le mois dernier. Avec le temps, la demande a augmenté en Chine et ailleurs. Le dollar américain n'a cessé de baisser. Les conditions météorologiques en Amérique du Sud se sont asséchées avec des grèves en Argentine. La hausse des prix n'a cessé d'augmenter, bouleversant le paradigme général. La leçon à tirer est que les prix des grains ne se situent pas toujours à l'intérieur d'une fourchette. Vous vous souvenez de la discussion du début de l'année dernière sur le fait de savoir si le prix du maïs à Chicago allait dépasser 4,25 ou même 4,50 dollars? Il semble que ce soit arrivé hier.


Était-ce, est-ce que c’est une tempête idéale pour les prix des grains? Eh bien, pour l'instant, les prix à Chicago continuent de s'envoler, mais il est probable qu'il y aura une cassure avec les prix comptants proposés par les acheteurs. L'arbitrage peut être une chose amusante. Oui, mais qu'en est-il si la récolte brésilienne diminue, suivie d'une campagne agricole difficile en 2021? Et si la campagne nord-américaine était la même qu'en 2020 ? Vous savez, en ces temps de Covid, nous aspirons à la normalité et c'est la même chose sur le marché des grains. Nous reviendrons un jour à la normale, là où il y a plus de prévisibilité, comme pour le prix des grains en juin. Inutile de dire que la fixation des prix pour la nouvelle récolte est maintenant ce dont on rêvait il y a 8 mois.

Un trader du CME m'a dit un jour que pour soutenir un marché en forte hausse (bull market), il faut nourrir le taureau tous les jours. C'est tellement vrai. Qui sait, le taureau de 2020/21 aimerait peut-être se faire nourrir à la cuillère. On pourrait imaginer qu'il finira par être rassasié. Pour les agriculteurs du Québec et des autres régions de l'Est du Canada, l'optimisme concernant le prix des grains est contagieux. Cependant, la gestion des risques ne se démode jamais. Aillez vos ordres de ventes bien prêtes sous la main.

 


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