On dit que ça prend les bons ingrédients pour faire une bonne recette. Disons que tous ces ingrédients étaient rassemblés pour faire lever le marché des grains au Québec.
La dernière année a tout d’une année hors-norme. D’abord, il y a les prix à Chicago qui ont connu leur meilleure performance depuis 2012, ce qui a grandement contribué à la forte progression des prix des grains au Québec à partir de l’automne dernier.
En revanche, nous avions aussi des conditions propices pour faire bondir les prix ici, au Québec. Dans le cas du maïs, la dernière récolte aura été la moins importante depuis 2014. À cette réalité s’est ajoutée la forte demande pour le maïs sur le marché d’exportation. Dès l’automne, des volumes importants de maïs ont été exportés à partir du Québec, beaucoup plus qu’à la normale, nous laissant avec le résultat que l’on connaît…
Rapidement, nous avons été à sec de maïs disponible de sorte que les acheteurs ont dû se tourner vers l’Ontario et les États-Unis pour subvenir à leurs besoins. Pour ceux qui sont plus familiers avec le jargon du commerce de grain, nous sommes passés «en remplacement», c’est-à-dire que notre référence de prix s’est appuyée sur les meilleurs prix disponibles ailleurs, en Ontario et aux États-Unis.
Le hic? Avec l’insatiable appétit chinois, la demande pour le maïs a bondi dans la dernière année, rendant d’autant plus difficile pour les acheteurs québécois l’approvisionnement à bon prix sur d’autres marchés.
L’ensemble de ce contexte très particulier se reflète bien dans le graphique qui suit.
Lors d’années plus normales, la base* locale du maïs a un comportement opposé à celui des prix à Chicago. Si par exemple le prix grimpe à Chicago, la base affiche du recul (zone en rouge). À l’opposé, si le prix à Chicago recule, la base a tendance à s’apprécier (zone en vert). Mais, selon le contexte (moins bonne récolte au Québec, plus forte demande et exportations, etc.) cette relation entre la bourse et le marché local déraille.
On en voit un très bon exemple sur le graphique avec 2010, année au cours de laquelle le prix du maïs a grimpé à un sommet de plus de 330 $CAN/tonne. Même si un record à Chicago en 2012 avait permis aussi au prix du maïs au Québec d’atteindre un record, les acheteurs locaux n’avaient pas nécessairement suivi la parade à ce moment, la base ayant même plongé à partir de la récolte qui fût excellente; la meilleure en 5 ans.
Et qu’en est-il de la dernière année?
On voit très bien que la mauvaise récolte de l’automne dernier, combinée à la forte demande de maïs (à l’exportation), n’ont pas manqué de faire grimper la base au Québec, et ce, même avec la forte hausse des prix à Chicago. Ainsi, tout comme en 2010, nous avions cette année une combinaison particulièrement favorable à ce que le prix du maïs fracasse de nouveaux records. C’est d’ailleurs ce qu’il aura fait à répétition dans les derniers mois, flirtant même il n’y a pas si longtemps à près de 400 $CAN/tonne.
Et quelle conclusion peut-on tirer de tout ceci?
1 - Ça prend une combinaison de facteurs particuliers pour supporter des prix élevés au Québec; surtout aussi longtemps que nous l’avons vécu dans la dernière année :
- Forte hausse des prix à Chicago,
- Mauvaise récolte au Québec,
- Forte demande pour le maïs américain, ontarien et québécois.
Tout ceci n’est pas nécessairement nouveau en soi, mais il est certainement important de se le rappeler…
2 - Si on jette de nouveau un coup d’œil au graphique, rares sont les occasions où cette combinaison d’éléments aura permis au prix à Chicago et à la base au Québec de grimper à l’unisson. Ce fut vrai surtout en 2010, sinon peut-être bien brièvement en fin d’été en 2012 et finalement cette année.
3 - Toutes aussi rares sont les occasions où ce phénomène s’est produit sur une longue période; voire plus d’une année.
Peut-on envisager que nous aurons encore du maïs à plus de 300-350 $CAN/tonne au cours de la prochaine année au Québec? Certainement, mais pour se faire, les astres devront bien s’aligner de nouveau cette année : une mauvaise récolte américaine ou encore une plus forte demande de maïs que prévue, ainsi qu’une 3e année de mauvaise récolte au Québec. Dans les trois cas, pour le moment, beaucoup d’incertitude flotte toujours dans l’air. Mais en attendant, les prix à Chicago tout comme au Québec demeurent à leurs plus hauts niveaux depuis 2012-2013, même avec le recul des dernières semaines…
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* La base est le facteur d’ajustement qui permet d’obtenir la valeur de nos prix au Québec à partir des références que nous utilisons à la bourse. Par exemple, si à la bourse le prix du maïs se transige à 300 $/tonne et qu’au Québec il est à 350 $/tonne, la valeur de la base est de +50$/tonne. Si notre prix était de 275 $/tonne, elle serait alors de -25 $/tonne. La valeur de cette base varie en fonction de différents paramètres, dont l’offre et la demande locale de grains.
À noter que généralement, on parle de base en $US/bo. et en $CAN/bo., et non en $CAN/tm. Les prix à la bourse sont eux, en $US/bo.