Nouvelles Philip Shaw

Le soja, ce grand menteur, finit toujours par révéler la vérité

07 août 2017, Philip Shaw

J’ai souvent affirmé que le soja est un grand menteur. C’est d’ailleurs ce que j’ai répondu aujourd’hui lorsqu’un ami de l’Ohio a partagé sur Twitter une photo de son soja qui a fière allure. Il m’a demandé si j’insinuais par là que le soja n’est pas vendu pour sa tige! Autrement dit, il parlait de la croissance végétative comparativement à la croissance reproductive. Il aimerait beaucoup mieux voir un plus grand nombre de gousses qu’un plant plus grand. Voilà comment le soja obtient sa réputation. Il est toujours difficile de prévoir le rendement en fonction de l’apparence du plant.

Sur ma propre ferme, j’ai trois champs de soja, et je n’en suis pas satisfait depuis le début de l’année. Ce sont les derniers champs que j’ai semés et ils n’ont pas bien poussé. J’ai jugé que ça ne valait pas la peine de semer de nouveau, la saison étant trop avancée. J’ai espéré que la météo estivale soit clémente et que le mois d’août soit pluvieux pour aider mon soja. Ces champs ont été secs jusqu’à aujourd’hui : ils ont reçu 75 mm de pluie. Je souhaite que ma décision de laisser ces champs ait été la bonne.

Curieusement et malheureusement, le soja a encaissé un coup dans le marché dernièrement. Nous avons perdu environ un dollar dans la valeur des contrats à terme au cours des trois dernières semaines. Comme le dollar canadien a grimpé, notre base pour le soja a également souffert en Ontario. Ça a donc été un coup double sur le prix; toujours un goût amer pour les agriculteurs ontariens. Nous espérons évidemment voir un rebond.

Ceci étant dit, j’étais particulièrement intéressé par l’analyse du marché de soja par Todd Hultman de DTN dans son commentaire quotidien à la clôture du marché jeudi dernier. Todd a expliqué comment le marché du soja est un bon exemple de marché « incohérent ». Je n’avais jamais vraiment entendu quelqu’un décrire le marché de cette manière. Ce que Todd disait, c’est qu’on s’attend à ce que les exportations américaines restent à des niveaux records malgré la baisse d’un dollar dans la valeur des contrats à terme au cours des trois dernières semaines. Le USDA devrait aussi diminuer les stocks de fin d’année dans les prochains rapports. Même avec la tendance à la baisse dans le mouvement saisonnier du prix du soja, on peut soutenir que le soja se maintient.

La baisse du prix des contrats à terme de soja est grandement attribuable aux conditions météorologiques dans le Midwest. Ce n’est qu’il y a une semaine ou deux que les prévisions de temps chaud et sec dominaient la frénésie à propos du mouvement des prix. Tout a changé il y a quelques fins de semaine lorsque les prévisions sont passées à du temps froid et humide pour tout le Midwest. Nous savons tous que le soja aime la pluie en août et ça a donc signalé le coup d’envoi à la baisse du prix des contrats à terme.

Bien entendu, rien n’est encore certain avec le soja. La semaine prochaine, je serai en Iowa et j’y visiterai l’usine de Kinze à Williamsburg. J’ai très hâte. La dernière fois que je suis allé en Iowa, j’étais enfant, et me promener en Illinois et en Iowa me donnera une bonne idée de l’état des cultures. Il va sans dire que les précipitations en août ont un grand rôle à jouer sur les cultures américaines. Le USDA a envisagé une récolte de soja de 48 boisseaux/acre. Dernièrement, il a évalué que l’état des cultures de soja s’était amélioré. Cependant, si tout ne va pas comme prévu, les stocks de report seront beaucoup moins importants, ce qui mènerait à une augmentation du prix des contrats à terme. Si, au contraire, le temps froid et les précipitations se poursuivent dans le Midwest, le rendement de soja aux États-Unis pourrait avoisiner ou dépasser celui de l’an dernier. Nous sommes dans une période critique.

Le prix du soja aux États-Unis demeure concurrentiel avec celui du Brésil. La consommation de soja en Chine continue d’augmenter, ce qui est une excellente nouvelle pour ceux d’entre nous qui en cultivons. Ça me ramène à mon voyage en Asie de 1993. J’avais rencontré un acheteur de soja à Singapour; il m’avait dit que, chaque jour, les familles de l’Asie de l’Est s’assoyaient le matin pour manger un peu de soja. En tant que Nord-Américain, j’imaginais difficilement une telle chose. Aujourd’hui, la population d’Asie orientale est encore plus grande qu’elle l’était en 1993, et elle continue de manger du soja. L’incroyable dynamisme de la demande persiste donc. 

Alors nous allons de l’avant avec la culture de soja. En Ontario, il y a toutefois un peu de retard, et c’est aussi mon cas. Rien n’est encore joué ici ni ailleurs en Amérique du Nord. Mais ça s’en vient. Alors ne vous laissez pas berner par l’allure actuelle des champs de soja. Le rendement du soja demeure une énigme. Le soja est peut-être un grand menteur, mais il finit toujours par révéler la vérité. Dans un mois, cette vérité sera encore plus proche.

 


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