Je déteste toujours voir le mois de juillet s'en aller. Vivant au Canada, où l'on porte un manteau pendant environ 8 mois de l'année, le milieu de l'été est toujours l'une de mes périodes préférées de l'année. C'est une période où nous pouvons récolter notre blé en manches courtes et ne pas ressentir le temps froid venant du vent nordet. Cette année, le maïs est haut et le soya montre des signes d’assèchement au milieu des zones stagnantes où l'eau s'est accumulée. Cependant, les experts n'ont pas encore statué sur l'ampleur réelle de cette récolte. Les pluies d'août sont toujours importantes.
Outre le temps humide de cet été, les marchés ont été cruels. Par exemple, depuis la mi-mai environ, nous avons constaté une baisse de 95 cents de la valeur des contrats à terme de maïs de décembre et d'environ 2,00 $ de la valeur des contrats à terme du soya de novembre. Multipliez cela par 2,1 millions d'acres de maïs et 3 millions d'acres de soya en Ontario et 879 000 acres de maïs au Québec ainsi que 1,1 million d'acres de soya et vous obtenez d'énormes réductions de revenus. Il ne fait aucun doute que cela aura un impact important sur l'économie agricole globale du Québec et de l'Ontario, mais aussi sur tout le Corn Belt nord-américain.
Les prix au comptant pour la livraison d'automne indiquent que le maïs de l'Ontario se situe à environ 5 $CAN le boisseau (197 $/tonne) cette semaine et le soya à un peu plus de 13 $CAN le boisseau (478 $CAN/tonne). Bien que de tels prix étaient jugés intéressants il y a quelques années, ils sont aujourd'hui bien inférieurs à ceux auxquels de nombreux producteurs se sont habitués dans 3 dernières années. Bien sûr, en tant qu'agriculteurs, nous savons tous que cela fait partie de la "game", mais nous n'aimons jamais cela.
Mercredi dernier, le maïs de décembre à Chicago a franchi la barre des 4,00 $ pour terminer à 3,99 $ le boisseau. Le marché du maïs aime les chiffres ronds et c'est toujours psychologiquement dommageable lorsque cela se produit. J'ai lu les commentaires de mon collègue, Todd Hultman, analyste principal chez DTN, qui a déclaré que ces prix du maïs étaient absurdes d'un point de vue fondamental. Todd a également mentionné qu'il s'agissait du prix de clôture le plus bas depuis novembre 2020, même si nos coûts de production avaient augmenté de 29 % depuis lors. Il a même évoqué le fait qu'il s'agissait du prix équivalent d'environ 3,10 $, si l'on compare à 2020.
Les commentaires de Todd sont toujours intéressants, mais ils soulignent à quel point le maïs est devenu bon marché. L'optique des valeurs au comptant de 5 $ et 13 $ pour le maïs et le soya en Ontario a beaucoup à voir avec le dollar canadien qui oscille autour de 72 cents US. Dans presque tous les commentaires sur le marché que j'écris ici en Ontario, je parle souvent de la façon dont cela sert de stimulant aux prix au comptant des grains de l'Ontario. En d'autres termes, on pourrait appeler cela un plancher pour les prix au comptant de l'Ontario, car la conversion en dollars canadiens étouffe parfois la réalité de la baisse des prix des grains.
Et si le dollar canadien était à 82 cents US ou à 92 cents US ? Cela réduirait simplement les niveaux de base ici en Ontario et permettrait des prix au comptant beaucoup moins chers. Si le dollar canadien montait considérablement au-dessus de ces niveaux, nous verrions alors des niveaux de base négatifs et des prix que personne ne veut imaginer en 2024.
Cela dit, je pense parfois qu'il est encore facile de faire l'inverse. En fait, rien de tout cela n'a jamais été secret. La semaine dernière, j’ai entendu les plaintes de plusieurs agriculteurs qui m’ont contacté au sujet des prix des grains. La réalité est que l’offre importante gagne à nouveau, comme en 2023. À la fin du mois de juillet, des récoltes record sont en vue, surtout si Dame Nature joue la carte de la prudence.
L’espoir et la foi sont de bonnes choses, mais ne font pas vraiment partie d’un bon plan de mise en marché de ses grains. Inutile de dire que j’ai dit à deux agriculteurs la semaine dernière qu’ils avaient besoin des deux en ce qui concerne les prix des grains. Les ventes à l’exportation de maïs aux États-Unis ont augmenté de 37 % par rapport à l’année dernière. La production d’éthanol a établi un nouveau record la semaine dernière et la production totale de cette année est supérieure de 3,7 % à celle de 2023. Le maïs bon marché a tendance à faire cela, augmentant silencieusement la demande sous couvert de prix plus bas.
À l’heure actuelle, les fonds gérés ou les traders non commerciaux continuent de détenir de lourdes positions courtes nettes sur le maïs et le soya. Cela a eu pour effet de faire baisser encore plus le prix. On pourrait penser qu’à un certain moment, ils doivent couvrir leurs positions shorts, mais bien sûr, le plus difficile est de savoir quand cela se produira. Les récoltes sont bonnes et les prévisions pour le Midwest américain annoncent un temps plus frais. Cela me porte à penser que nous allons simplement continuer à augmenter tranquillement la demande. Ma récolte ne sera peut-être pas aussi bonne que l’année dernière, mais il semble que celle du monde l’est.
En tant qu’agriculteurs du Québec et de l’Ontario, nous sommes une fois de plus pris dans ce cercle vicieux de l’efficacité. Les profits que nous obtenons sont réinvestis dans nos entreprises agricoles pour utiliser de nouvelles technologies qui nous rendent plus productifs. Cela finira par exercer une pression sur nos prix et nos revenus, accélérant une fois de plus le cycle. Nous sommes là en 2024. La question est de savoir combien de temps nous resterons là. Espérons que Todd a raison : que ces prix sont fondamentalement absurdes. D’une certaine manière, je pense que les "dieux" des grains ne nous écoutent pas.