Nouvelles Philip Shaw

Regarder au-travers de la vitre sale du USDA

09 avril 2021, Philip Shaw

L'air était froid aujourd'hui et des rafales de neige et des vents froids fouettaient les terres agricoles du sud-ouest de l'Ontario. Je suis en train de préparer une partie de mon matériel en surveillant stratégiquement la météo pour pouvoir le faire dans un certain confort. J’aimerais avoir un nouvel atelier comme celui d'un de mes amis en Saskatchewan. Mais lui, il travaille sur ses machines agricoles en hiver quand le vent souffle à -70°. Bien sûr, je le lui rappelle souvent. Il rétorque que les agriculteurs de l'Ouest canadien sont les mieux lotis.

Comme je l'ai dit à maintes reprises, les conditions des agriculteurs canadiens et Québécois ne sont pas homogènes. J'ai eu l'occasion de m'en rendre compte la semaine dernière lorsque, étonnamment, j’ai été invité à parler des marchés des grains à Kiev, en Ukraine. Non, je n'ai pas pris l'avion, mais j'ai utilisé Zoom, le logiciel de présentation inspiré par la Covid qui peut vous emmener à peu près partout. Je suis intervenu tôt, mais j'ai quand même dû écouter un commentaire sur le marché du colza entièrement rédigé en ukrainien. Inutile de vous dire que je m’étais renseigné autant que possible sur l'agriculture ukrainienne.

J’ai bien évidemment décrit une situation dans laquelle l'Ukraine représente un moteur dans une agriculture en plein essor, mais aussi un concurrent pour les grains nord-américains, surtout en ce qui concerne le blé et le maïs. Les fermes ukrainiennes peuvent être énormes, tout comme en Russie, et je suis sûr qu'après s'être débarrassé du communisme depuis longtemps, leur production agricole continuera d'augmenter. Les grains de la mer Noire sont sans aucun doute en train de s'imposer sur le marché. J'ai même été invité à revenir dans les semaines à venir car ils parleront des contrats à terme sur les grains de la mer Noire actuellement proposés par le CME.

Les changements d'heure sont toujours difficiles pour moi et programmer ma conférence en Ukraine n’a pas été une sinécure. Nous avons récemment changé d'heure ici en Ontario, mais en Ukraine, ils étaient censés faire de même et apparemment à la dernière minute, le gouvernement a encore changé l'heure. Au départ, il était prévu que je fasse ma présentation après la publication par l'USDA de ses prévisions d'ensemencement. Cependant, à la fin de la journée, j'ai dû faire ma présentation avant que nous connaissions les nouveaux chiffres sur les ensemencements et les estimations des stocks. En plus de cela, mes hôtes étaient ennuyés que je n’aie pas les chiffres du USDA. J’ai quand même réussi à faire ma présentation. Ces chiffres de l'USDA ont été publiés alors que je disais au revoir à l'Ukraine.

L'USDA n'a pas déçu, et quelques minutes plus tard, mes nouveaux amis ukrainiens, négociants en grains, sont intervenus. L'USDA a surpris le marché en annonçant des chiffres d’ensemencements de maïs et de soya auxquels peu de gens s'attendaient. L'USDA a estimé que les acres de maïs pour 2021 s'élèveraient à 91,1 millions et les acres de soya à 87,6 millions d'acres. Ces deux chiffres sont sous les estimations les plus faibles des négociants et sous les prévisions du USDA de février. À l'époque, on prévoyait 92 millions d'acres de maïs et 90 millions d'acres de soya. En l'état actuel des choses, nous ne prévoyons que 325 000 acres supplémentaires de maïs américain cette année par rapport à l'année dernière et environ 5 % de plus de soya. La superficie américaine consacrée au blé a en fait augmenté de 5 %.

Si j'avais eu connaissances de ces chiffres avant mon intervention à Kiev en Ukraine, cela aurait changé les choses. Il est clair que lorsque j'ai vu ces chiffres, j'ai su que ces superficies n'étaient pas suffisantes, en particulier pour le soya. Même avec des superficies plus importantes, les États-Unis auraient besoin de récoltes quasi idéales pour augmenter les stocks de fin de campagne en déclin. Avec des chiffres inférieurs aux attentes, il était évident que les prix allaient augmenter. En fait, le maïs a augmenté de 25 cents, le soya de 70 cents, tant pour les anciennes que pour les nouvelles récoltes.

Les stocks trimestriels de grains ont également contribué à l'élan haussier. Les stocks de maïs au 1er mars ont été annoncés à 7,7 milliards de boisseaux, soit le plus bas niveau en 6 ans et 3 % de moins que l'année dernière. Les stocks de soya s'élevaient à 1,56 milliard de boisseaux, soit 31 % de moins que l'an dernier. Ces stocks sont le reflet de la demande, très forte depuis la récolte de l'année dernière.

Les marchés de grains se sont un peu repliés jeudi, à l'approche de notre week-end de trois jours. On pourrait dire qu’on s’y attendait, mais ce qui est intéressant, c'est que ce n'était pas le cas partout. Les valeurs de l'ancienne récolte ont divergé des futures de la nouvelle récolte. En d'autres termes, alors que les contrats à terme sur l'ancienne récolte ont chancelé jeudi, les contrats à terme sur la nouvelle récolte n'ont cessé de s'inscrire dans le vert. Il s'agit clairement d'un reflet de l'aversion soudaine des utilisateurs finaux pour le risque lié à l'offre qui doit intervenir à l'automne. Les chiffres de l'USDA n'étaient tout simplement pas suffisants pour y parvenir. Les contrats à terme de soya de la nouvelle récolte sont inversés, il y a seulement une petite valeur de report dans les contrats à terme sur le maïs de la nouvelle récolte.

Alors, quand doit-on vendre des grains? C'est toujours la question que l'on me pose, même mes amis ukrainiens rencontrés la semaine dernière. Vous connaissez ma réponse, elle n’a jamais été secrète. Gardez à l'esprit qu'au-delà de ça, il y a tellement de risques de production à venir. Je n'ai pas encore mis une seule graine en terre et la plupart d'entre vous sont dans le même cas. Nous savons combien il est difficile d'amener cette récolte jusqu'à la ligne d'arrivée. Il y aura des reprises de prix et des effondrements. Nous n’y arriverons pas en fermant les yeux.

À mesure que nous avançons, la fermeture de prix de la nouvelle récolte au sein de notre marché de grains deviendra de plus en plus centrale et, avec elle, la météo des cultures. Pour vous aider à vous concentrer sur ce sujet, prenez des informations météorologiques partout où vous le pouvez, y compris les excellentes analyses météorologiques que nous avons ici avec DTN. Cela fait partie de l'information quotidienne sur le marché qui nous aide à commercialiser nos cultures. Nous allons bientôt sentir la chaleur du soleil sur notre dos. Arrêtez de fixer la fenêtre sale du USDA et laissez entrer le soleil. L'année 2021 représente une véritable opportunité de réussite.

 

 

 


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