Nouvelles Philip Shaw

Les répercussions de la lente progression des ensemencements en Ontario et au Québec

16 mai 2017, Philip Shaw

Le printemps s’est amorcé avec du temps très froid et humide ici dans le Sud-Ouest de l’Ontario. La situation est comparable dans de nombreuses régions de l’est du Corn Belt aux États-Unis; de fortes précipitations y ont retardé les ensemencements. Le marché semble ne pas en tenir compte, comme si c’était du déjà-vu. Je l’ai déjà vu aussi, surtout en 2011, lorsque je semais du maïs en juin. Cependant, je ne souhaite jamais me rendre là et je pense que c’est le cas pour tous ceux qui lisent ma chronique aujourd’hui. L’agriculture peut parfois causer bien des frustrations. Il semble que nous passions un temps fou à nous dépêcher puis à attendre. Ça a particulièrement été le cas dernièrement.

Pendant une période d’attente la semaine dernière, le USDA a mis son grain de sel avec la publication de ses données de production les plus récentes. Le rapport de mai donne toujours un aperçu de la prochaine récolte (2017-2018). Oui, il s’agit des cultures que nous tentons de semer actuellement. Selon le USDA, les stocks de fin d’année de la prochaine récolte seront d’environ 2,11 milliards de boisseaux, ce qui correspond approximativement aux attentes d’une production de 14,065 milliards de boisseaux. À l’échelle mondiale, le USDA évalue les stocks de report à 195,27 millions de tonnes, ce qui correspond aux estimations inférieures du marché. Le rapport a donc été relativement positif pour le maïs, dont le prix a grimpé de 0,07 $ au cours de la journée. 

Le prix du maïs a rendu la majeure partie de ce gain dans les deux jours qui ont suivi la publication du rapport. Il va sans dire que le rapport du USDA donne effectivement le signal que l’offre de maïs change de direction. La diminution de superficie aux États-Unis cette année contribue à la situation et la baisse générale du prix du maïs a aussi fait pencher la balance de ce côté. Si Dame Nature continue de se montrer capricieuse aux États-Unis cette année, nous pouvons nous attendre à ce que les stocks de maïs de fin d’année chutent davantage. Il est possible que le rapport de mai ait donné le coup d’envoi à la diminution de l’offre de maïs d’ici 2018 et 2019.

Le USDA envisage des stocks de report de la prochaine récolte de soja de 480 millions de boisseaux pour 2017-2018, soit environ 88 millions de boisseaux de moins que les prévisions. Malgré l’abondance de soja actuellement sur le marché en provenance de l’Amérique du Sud et l’importance de la récolte prévue aux États-Unis, les estimations de stocks de fin d’année sont déjà revues à la baisse. Il est vrai que le USDA n’est jamais très doué pour évaluer les stocks de fin d’année pour le soja puisque la demande semble toujours un peu plus forte que prévu. Cette année ne paraît pas faire exception, à moins qu’une machination politique de Washington à l’endroit de la Chine vienne gâcher la fête.

Ceci étant dit, le rapport de mai du USDA n’a pas eu d’effet important sur les prix des contrats à terme. Le prix du contrat de juillet de maïs tourne autour de 3,69 $ alors que celui de soja s’est stabilisé à environ 9,64 $. Ce n’est rien pour s’enthousiasmer. Bien entendu, au Canada, le huard continue de créer le plus important mirage de prix de 2017.

Le dollar canadien à 0,72-0,73 $ US se traduit par des prix au comptant de 4,82 $ pour le maïs de la prochaine récolte et de 12,30 $ pour le soja de la prochaine récolte. Pour les agriculteurs canadiens, le défi demeure de pondérer la valeur de leurs bases au comptant, largement influencée par le dollar canadien, et le prix des contrats à terme. Trouver cet équilibre où il est possible de gagner sur les deux plans, ce n’est pas évident.

À mon avis, le retard actuel dans les semis est assez préoccupant. Personnellement, il est probable que je récolterai du maïs plus humide à l’automne puisqu’il me reste encore 50 % de mon maïs à semer. Et si je regarde dans le reste de la province, les ensemencements ne sont pratiquement pas commencés. En raison de notre climat nordique, il se pourrait fort bien qu’une partie de la superficie en maïs soit abandonnée au profit du soja. Pour ma part, cela signifie que l’Ontario ne sèmera sûrement pas 2 millions d’acres de maïs cette année. C’est problématique étant donné que, si la récolte ontarienne est inférieure aux prévisions, les prix à l’importation feront leur entrée beaucoup plus tôt que ce à quoi nous sommes habitués. La référence aux 2 millions d’acres en Ontario est toujours importante en raison des effets sur les prix à l’importation. On ne sait pas dans quel sens ça ira maintenant. Les agriculteurs ontariens réussiront-ils à tout semer?

Je ne crois pas, et avec les inondations et les pluies abondantes qu’il y a eu au Québec, cette partie du pays pourrait se retrouver avec un déficit de maïs en 2018. L’offre de maïs est toujours serrée dans l’Est de l’Ontario et le Québec. J’ai l’impression, dans la situation actuelle, qu’il s’agit d’une réelle possibilité.

Alors beaucoup de travail nous attend, ne serait-ce que de semer le maïs. Il y a aussi toutes les commandes permanentes pour les ventes de grains à mettre en place. Tenir compte des prix des contrats à terme et des nombreuses variables dans les prix au comptant vu la précarité des ensemencements printaniers, ce sera tout un défi! Rappelez-vous : l’an passé, les sommets du marché des grains avaient été atteints à la mi-juin. Les années se suivent et ne se ressemblent pas. On en a déjà la preuve en 2017.

 

 


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