Nouvelles Philip Shaw

Les chaleurs accablantes en Ontario et l’effet sur le marché du maïs au comptant

15 août 2016, Philip Shaw

 

L’été s’est révélé particulièrement chaud en Ontario et au Québec. La semaine dernière, la chaleur a été si accablante que je n’ai pas travaillé l’après-midi. Je n’ignore plus les avertissements de chaleur souvent émis par Environnement Canada. Dire que lorsque j’étais plus jeune, je ne me préoccupais pas vraiment de la température et que je passais mes étés à arracher les mauvaises herbes! 

Aujourd’hui, je profite de la piscine ou de l’air conditionné, mais mes cultures n’ont pas la même chance. Depuis Windsor, en Ontario, jusqu’aux régions agricoles du Québec, les cultures sont en train de cuire et la situation s’empire chaque jour puisque de nombreuses régions n’ont toujours reçu aucune précipitation. Les perspectives de prix au comptant ne sont plus les mêmes pour le maïs en Ontario; j’en avais parlé dans mon article précédent au sujet de la sécheresse. Comme il y a eu peu de pluie depuis, les anomalies des prix au comptant en Ontario pour l’année à venir seront sûrement accentuées.

La base pour le maïs en Ontario aura donc sa propre évolution. J’ai mentionné ce fait le soir précédant la publication de l’important rapport du USDA. Tout au long de l’été, nous avons entendu parler de l’excellent état des cultures dans les champs américains. Certains analystes disent que l’affaire n’est pas gagnée, mais leur avertissement a été noyé par les baissiers qui croient que le USDA pourrait annoncer un rendement de 175 boisseaux/acre (ce qui s’est effectivement avéré vendredi dernier; les attentes du marché variaient entre 168,6 et 175 boisseaux/acre pour le maïs et entre 46,7 et 48,8 boisseaux/acre pour le soja). Les prix au comptant aux États-Unis sont très bas. C’est loin d’être le cas ici en Ontario.

Nous avons la base ontarienne. Et la définition de la base n’est jamais acquise. Certains la voient comme la différence entre le prix au comptant et le prix du contrat à terme. C’est une définition. Toutefois, je vois plutôt la base comme la valeur qui détermine le mouvement des cultures (achat ou vente). Alors si la base est de 1,10 $ en fonction du contrat à terme de septembre, comme c’est actuellement le cas pour le maïs en Ontario, tout ce que ça veut dire c’est que le maïs bouge à cette valeur. 

Pour moi, il s’agit de la manière la plus simple pour les agriculteurs de comprendre la base. Mais je sais que tout le monde ne le voit pas de cette façon. En fait, je me suis déjà cassé la tête à tenter de comprendre pourquoi la base varie d’une journée à l’autre. C’est fini ce temps-là! J’essaie d’anticiper les changements de la base, mais au bout du compte, la base est la base, rien de plus à comprendre. C’est la valeur à laquelle le grain bouge.

Le phénomène s’est renforcé en Ontario lorsque le gouvernement ontarien a décidé d’exiger l’ajout d’éthanol à l’essence. Le Fonds ontarien de développement de la production d’éthanol de 517 millions $ a joué un rôle clé dans la construction de cinq usines d’éthanol en Ontario. Les usines n’ont pas toutes obtenu des subventions. Le programme prendra fin le 31 décembre 2016. À ce moment, toutes les usines d’éthanol ontariennes se retrouveront sans subvention. Elles devront se débrouiller autrement et je ne vois pas pourquoi elles n’y arriveraient pas.

À une époque, tout le maïs ontarien était exporté ou utilisé pour l’alimentation animale. Maintenant, environ 35 % du maïs sert à la production d’éthanol; il s’agit d’une part importante de la demande provinciale. Un des effets ressentis a été l’augmentation des bases pour les agriculteurs ontariens. Cette année, avec la sécheresse qui a frappé la province, ces usines se tournent vers le maïs américain, ce qui crée ici une base d’importation. Aussi, le prix de la dernière récolte a grimpé de 0,30 $ au cours des quatre dernières semaines et de 0,15 $ pour le maïs de la prochaine récolte au cours de la même période. Autrement dit, les prix n’étaient pas suffisamment élevés pour faire bouger le maïs. La base a augmenté et soudainement le maïs provient soit de l’autre côté de la frontière soit de silos auparavant fermés.

Et la situation devrait se poursuivre. Les cultures de maïs au Michigan et en Ohio ont été compromises, ce qui signifie que toute importation de maïs en Ontario devra provenir d’un peu plus loin. L’effet devrait être positif sur la base. Selon l’évolution du dollar canadien, la base pourrait venir sauver la mise en cette année de sécheresse. 

Voilà donc un peu de positif dans une année négative pour la production ontarienne et dans une année difficile pour les prix des contrats à terme. La météo peut être cruelle. Cependant, de manière un peu tordue, elle ouvre des occasions de commercialisation au comptant pour 2016 et 2017. La demande de maïs ontarien dépasse l’offre. C’est un revirement complet de situation par rapport aux dernières années. Si le USDA pouvait nous réserver une surprise, on la prendrait volontiers. Les agriculteurs ontariens n’ont pas trouvé 2016 facile, mais ce n’est pas comme si on avait le choix. De bonnes précipitations en Ontario et au Québec seraient plus que bienvenues!

 

 

 


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