Nouvelles Philip Shaw

Prévisions de production du USDA à la hausse, en plein mirage canadien des prix au comptant

11 mars 2017, Philip Shaw

L’hiver a été très doux dans le sud-ouest ontarien. En fait, on peut sentir le printemps qui approche, déjà en ces premiers jours de mars. Pour ceux d’entre vous qui vivent dans un climat froid, vous connaissez ce sentiment d’impatience de voir la prochaine saison venir s’installer. Toutefois, dans l’hémisphère sud, le début de mars coïncide avec le temps des récoltes. Ce n’est donc que maintenant que l’on constate véritablement l’importance des cultures sud-américaines produites au cours de notre hiver.

Le USDA a publié son plus récent rapport le jeudi 9 mars. On est submergé de surplus extraordinaires depuis plusieurs années et la situation s’est empirée en 2016. Le marché était à l’affût de toute lueur d’espoir dans ce rapport. En vain. Le USDA a revu à la hausse ses prévisions de production pour l’Amérique du Sud. Il prévoit maintenant une récolte record de 108 millions de tonnes de soja au Brésil alors que son estimation le mois passé était de 104 millions de tonnes. On entend parler d’une augmentation de production brésilienne depuis des mois, mais le marché est tout de même surpris de l’importance du redressement en seulement un mois. Le USDA a maintenu son évaluation de la production de soja en Argentine à 55,5 millions de tonnes.

Évidemment, les nouvelles données ont contribué au sentiment baissier dans le marché des contrats à terme de grains. Le USDA a également revu à la hausse sa prévision de production de maïs au Brésil à 91,5 millions de tonnes, soit une augmentation de 4 millions de tonnes par rapport au mois passé. Non seulement les rendements de maïs sont à un niveau record, mais l’ensemencement de la safrinha va bon train. Le USDA a aussi rehaussé son estimation des stocks de report internationaux pour le maïs et le soja. Et comme si ce n’était pas suffisant, même la production de blé a grimpé de 2,83 millions de tonnes en raison des augmentations de production en Australie et en Argentine. Les marchés s’attendaient à d’importantes récoltes en Amérique du Sud, mais les chiffres avancés par le USDA ont poussé les marchés à la baisse jeudi.

Dire que la situation n’est pas plaisante pour les agriculteurs, c’est un euphémisme. Les bas prix n’ont rien de rassurant. Mais, en même temps, c’est remarquable. Comment les agriculteurs dans le monde peuvent-ils maintenir la production comme ils le font? La technologie joue certainement un rôle important et les bonnes conditions météo aussi. Un jour, toutefois, ce ne sera plus possible. Mais, comme le dirait mon ami Darin Newsom, aussi bien attendre Godot. Ça peut être long.

Les contrats à terme sont sur une pente descendante en raison de toutes ces nouvelles négatives, mais le dollar canadien a aidé. Il est tombé sous 0,74 US$ au cours de la dernière semaine; ce qui signifie que les contrats à terme de soja ont reculé et que les prix au comptant se sont stabilisés. Cependant, ce n’est pas tout à fait le cas pour le maïs puisque les prix au comptant en Ontario ont chuté. Il va sans dire que le huard apporte son aide encore une fois.

Il a créé le mirage de prix en Ontario et au Québec dont je parle souvent. Les prix au comptant des grains en Ontario et au Québec ne semblent pas si mal comparativement à ceux aux États-Unis. Un collègue a corroboré mes dires la semaine dernière, lors de son retour de la Commodity Classic à San Antonio. Il affirme que le moral était relativement bas chez les producteurs américains à cause des bas prix au comptant. Ce n’est pas le cas en Ontario ni au Québec. Ce mirage des prix des grains au Canada est étonnant.

En bref, les prix au comptant des grains au Québec nous jouent des tours. En dollars canadiens, 5 $, c’est intéressant pour la plupart d’entre nous. Ce n’est peut-être pas facile d’aller chercher ça actuellement, mais c’était possible. Pendant ce temps, les contrats à terme de grains sont près de leurs creux. Les prix fixes au comptant sont rois dans certaines régions ontariennes. Dans un contexte où le taux de change est de 0,74 US$/dollar, ces prix fixes font bonne figure pour de nombreux agriculteurs.

Bien entendu, si vous êtes sur Twitter, vous savez que j’attends de voir le soja à 20 $. Je ne suis pas sérieux, évidemment, je connais bien les facteurs fondamentaux du marché. Néanmoins, ce qu’il ne faut pas oublier dans ce marché baissier, c’est que le vent tournera un jour. Les marchés remonteront la pente, ce n’est qu’une question de temps et de moyennes. Les conditions météo changeront et la production record de grains ne pourra se maintenir. De toute évidence, personne ne peut dire quand, mais ça viendra.

Ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est que la gestion du risque sera toujours d’actualité. Même dans l’environnement actuellement négatif pour les marchés, la gestion des fermes doit tenir compte de toutes les facettes de la gestion du risque. La diminution des coûts, les grains de productivité et la planification adéquate font toujours partie des choix de gestion par défaut, particulièrement lorsque les prix sont bas. Ne vous laissez pas berner par le mirage canadien des prix des grains! Nos revenus ne sont pas ce qu’ils semblent. Alors si le huard se dirige vers 0,70 US$, vous pourrez dire que je vous l’avais dit.

 

 

 

 

 

 


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