Nouvelles Philip Shaw

Du ketchup ontarien qui devient viral

18 mars 2016, Philip Shaw

Je cultive dans le pays des tomates. Bien sûr, il y a aussi beaucoup de maïs et soya dans le sud-ouest de l’Ontario. Au fil du temps, nous avons toujours très bien cohabité. Au début, il y a plusieurs années, j’arrosais au dicamba et, bien entendu, je devais être très prudent près des tomates. Aujourd’hui, il y a beaucoup de glyphosate d’arrosé autour des champs de tomates et les petits plants ont très peu de tolérance au produit. Nous devons donc faire bien attention. Je ne peux qu’imaginer le problème que nous avons maintenant à l’horizon avec le soya, qui peut être arrosé avec une combinaison de glyphosate et dicamba. Certaines choses en agriculture ne changeront jamais.

Avec le dollar canadien qui est au niveau que l’on sait aujourd’hui, et avec le prix des tomates qui est basé sur celui de celles de Californie, c’est vraiment une bonne période en ce moment pour la production de tomate en Ontario. Cependant, ce n’est pas tout le monde qui voit les choses de la même manière. Ça ne remonte qu’en 2014 que le géant du ketchup, la compagnie Heinz, s’est retirée de Leamington en Ontario. Ceci a ébranlé l’ensemble de l’industrie de la tomate qui s’est alors interrogée sur son avenir. J’ai été interviewé à ce moment à plusieurs reprises, disant qu’il y aurait d’autres joueurs qui viendraient combler le vide et que ceci dépendrait de la valeur du dollar canadien. Pas besoin de le dire, parfois je mets dans le mile. Le dollar canadien a chuté et une bonne partie de la production de tomate a été reprise par d’autres transformateurs.

À l’époque, j’ai été très vexé par Heinz parce que la décision en était simplement une corporative basée sur l’argent et la valeur des actions. Les tomates ont toujours été profitables ici au Canada, partiellement en raison de notre dollar canadien, mais aussi parce que nous avons toujours eu un avantage de qualité de produit. J’ai donc demandé à mon épicerie locale de remplacer le ketchup Heinz avec une autre marque. Je ne suis pas tout à fait parvenu à obtenir ce que je voulais, mais ça m’a toujours dérangé de voir une compagnie qui ne montrait pas de confiance en l’agriculture de l’Ontario de voir qu’elle pouvait continuer de vendre et mettre sur les tablettes de nos épiceries ses produits en toute impunité.

Da manière très intéressante, le même sentiment a été exprimé récemment par M. Brian Fernandez, dont les messages sur Facebook sont devenus viraux avec une bouteille de ketchup French’s. Selon M. Fernandez, il n’était pas au courant qu’il y avait un condiment entièrement d’origine canadienne qui était fait à partir de tomates de Leamington en Ontario sur le marché. Il y a dit qu’il adorait ce ketchup, et disait byebye à Heinz. Le message viral a eu son effet sur les marchés locaux dans le sud de l’Ontario qui sont devenus « sold out » de ketchup French’s. Walmart n’en a pas, mais le ketchup French’s President est offert, et les ventes ont bondi. Pas besoin de le dire, ça nous montre la force des réseaux sociaux, spécialement quand on en vient à parler de nos choix alimentaires. Avoir un lien avec l’agriculture de l’Ontario est particulièrement satisfaisant.

Bien sûr, ça me ramène à arroser le long d’une clôture avec des tomates de l’autre côté. J’ai souvent l’occasion de discuter avec mes voisins à propos des tomates et de leur économie agricole. Je me suis fait dire qu’on ne pouvait pas comparer la dynamique économique agricole des tomates avec celle des grains. D’entrée de jeu, le marché des tomates est en vase clos, ce n’est pas tout le monde qui peut en cultiver. Les tomates sont cultivées pour des usages spécifiques comme le jus, la pâte ou les mélanges à cocktail avec des dimensions spécifiques au marché visé. Souvent, il y a des tomates qui finissent par être passé au disque parce que le transformateur en avait assez en fin de saison. C’est à en pleurer, mais ceci montre combien les choses sont différentes pour une commodité alimentaire versus les grains.

Bien entendu, l’autre chose qui est vraie est la mort prématurée du ketchup Heinz sur les tablettes de votre épicerie. Plusieurs producteurs de tomates de l’Ontario mon dit qu’ils avaient une emprise sur l’espace tablette avec les épiceries pratiquement partout. C’est donc assez simple de comprendre pourquoi lorsque j’ai demandé une autre marque après la débâcle de Leamington, rien n’est arrivé. Ça rend le message viral de M. Fernandez encore plus significatif. Il a en fait réalisé une brèche dans le contenant de ketchup. Peut être, je dis bien seulement peut être, que l’espace tablette de Heinz sera affecté, et que certains gros conglomérats alimentaires vont y repenser avant de décider de quitter l’Ontario pour quelque raison que ce soit. 

Ça montre la force des réseaux sociaux lorsque c’est fait correctement. Bien sûr, ceci se transpose sur plusieurs autres choses. Preuve à l’appui, les primaires présidentielles américaines en cours où M. Trump a utilisé les réseaux sociaux pour prendre efficacement les devants chez les Républicains. Oui, c’est un monde bien différent de celui des tomates, du ketchup et de l’agriculture en Ontario, mais les réseaux sociaux jouent un rôle grandissant dans notre monde agricole aussi.

Comment tout ceci changera les choses dans le futur reste encore flou. Je le vois affecter nos choix alimentaires, et même peut-être un peu la demande elle-même, comme dans le cas de notre exemple avec le ketchup. Les tendances des commodités ne seront pas affectées autant, simplement en raison de leur nature. Elles sont un tout uniforme et indiscernable en elles-mêmes. Le maïs c’est le maïs, et le soya c’est le soya. Cependant, en bout de course, les consommateurs ont le choix et ils utilisent les réseaux sociaux. La semaine dernière, c’était les tomates, demain se pourrait la prochaine grosse affaire.

 

 

 


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