Nouvelles Philip Shaw

Les prix des terres mijotent 

26 février 2016, Philip Shaw

Ça fait déjà quelques années que j’ai fait le tour de l’Ontario pour parler des prix des terres agricoles et de la grande appréciation de leur valeur. Cette valeur de nos fermes est typiquement la plus importante dans notre bilan et, pour cette raison, elle doit être sérieusement prise en considération. Bien sûr, pour certain d’entres nous, notre terre est une partie intégrante de nous pratiquement lié à notre psychisme et personnalité. Ça valeur peut être parfois la clé pour le reste de nos opérations agricoles.  En d’autres occasions, c’est la grande constante, ce grand actif tangible sur la ferme qu’il est prit pour acquis. 

J’ai lu avec un grand intérêt dans la dernière semaine le rapport des valeurs des terres dans le sud-ouest de l’Ontario réalisé par Valco, une firme immobilière de London en Ontario. Dans cette étude, les terres agricoles dans le sud-ouest de l’Ontario sont estimées autour de 11 714$/acre en 2015, en hausse de 3,83% par rapport à 2014. C’est une plus faible croissance que celle de 3,9% de 2013 à 2014. C’est cependant bien loin des hausses de 22,8%, 29,3% et 21,4% observées au cours des trois années précédentes. En fait, dans mon comté d’origine de Chatham Kent Ontario, en 2015 les valeurs des terres ont reculé de 5,7%. C’était pour moi un intéressant pas en arrière de lire ces statistiques. Les terres restent une commodité sur le feu de la rampe, même durant une période où les marchés des grains sont plus faibles.

La situation est telle qu’elle est, et de regarder en arrière rend d’autant la chose difficile à croire.  On m’a demandé au cours d’un interview à Guelph en Ontario la semaine dernière ce que je ferais de différent si j’avais à refaire ce que j’ai fait. J’étais interviewé à propre de ma vie pour la réalisation d’un podcast (baladodiffusion) en cours de production. Ce que j’ai dit entre autres est que mon expérience il y a plusieurs années au début de ma carrière avec des taux d’intérêt à 20% a sans aucun doute restreint certaines des opportunités dont j’aurais pu profiter au cours des cinq dernières années où les taux d’intérêt ont été très faibles. Autrement dit, ce nuage de taux d’intérêt à 20% ne m’a jamais vraiment quitté et emprunter beaucoup d’argent à ce stade de ma carrière n’était pas la priorité qui me venait à l’esprit. Cependant, avec du recul, si j’avais emprunté de l’argent en 2008 ou 2009 et acheté des terres, j’aurais « surfer » la vague de la valeur des terres. 

En fait, j’ai effectivement acheté ma dernière ferme en 2009, mais je n’avais pas anticipé la hausse des valeurs des terres. En Ontario, les terres agricoles ont grimpé comme des météores partiellement en raison de la hausse importante des prix des commodités agricoles et des taux d’intérêt extrêmement bas. Le capital devait trouver un refuge quelque part en cette époque de faible taux d’intérêt et une bonne portion de celui-ci s’est précipitée dans les terres en Ontario. La même chose peut être dite à certains égards pour ce qui est aussi du Québec et de certaines régions de l’Ouest canadien. Deux ans plus tard en 2016, comme le révèle l’étude de Valco, nous en sommes toujours là, mais il est bien possible que quelques failles commencent à faire surface régionalement. Les terres restent les terres, et les taux d’intérêt demeurent toujours encore très bas. 

Bien sûr, la question est que va-t-il se passer maintenant? Devrais-je continuer d’acheter des terres à ces prix, surtout à une époque où les prix des terres sont en baisse là où je fais affaire? Concours de circonstances, j’avais justement un déjeuner avec un banquier agricole l’autre jour. La question a fait surface non seulement à propos de la valeur des terres agricoles, mais aussi concernant une personne comme moi au même stade de sa carrière qui s’endettait beaucoup pour possiblement acheter des terres. La réponse intéressante que j’ai eue au terme de la conversation était de continuer à acheter des terres, même si j’avais à m’endetter pour y parvenir. Bien entendu, à un certain moment donné, notre conversation était à propos de 1978 ou 1979 à Chatham Kent Ontario.

Pour ceux d’entres-vous qui ne le savent pas, 1978 et 1979 étaient des années où les prix des commodités agricoles étaient bons, et dans ma région les prix des terres ont atteint à ce moment un sommet à 5000$/acre. Les producteurs qui étaient en expansion à cette époque ont acheté des terres qui étaient financées par de l’équité. Puis, les marchés ont plongé et les taux d’intérêt ont passé au-dessus de 20%. Les valeurs des terres ont fondu, toute l’équité est disparue, et ce ne fût plus que « terre brulée » dans le monde agricole. Nous sommes maintenant en 2016 et nous nous demandons si c’est retour vers le futur avec des prix des terres là où on sait qu’il sont aujourd’hui.

Il y a certainement une myriade d’opinions. Mais dit simplement, le monde a changé, la différence est que les taux d’intérêt sont encore extrêmement bas et le marché des grains est pratiquement comparable à celui de l’an dernier. Il y a aussi beaucoup d’argent à la recherche d’un refuge dans le monde. Les terres du sud-ouest de l’Ontario pourraient être une destination pour celui-ci. Ce monde de faible taux d’intérêt crée ce type d’opportunités. Ce n’est pas 1981; je n’entrevois pas que les taux d’intérêt seront de nouveau aussi élevé. 

En août dernier, lorsque j’ai parlé du marché des grains à St-Hyacinthe au Québec, un producteur m’a demandé ce que je pensais des prix des terres agricoles. Il a dit que les terres étaient autour de 20 000$ l’acre à St-Hyacinthe. À ce prix, en achèterais-je plus? Je me suis un peu étouffé à écouter la question, mais j’ai dit que ces prix élevés de terres persisteraient tant et aussi longtemps que les taux d’intérêt resteraient bas et que l’Éaccord TransPacific ne mettait pas à terre le système de gestion de l’offre canadien dans le lait. Cependant, même si je pense que j’avais raison, je m’étouffe encore à dire ce genre de chose. Mes racines sont tellement profondément ancrées dans les mauvaises années 80.

 

 

 


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