Nouvelles Philip Shaw

L’étiquetage indiquant le pays d’origine (COOl) est terminé, mais coexister avec les États-Unis continue

22 décembre 2015, Philip Shaw

Au Canada, j’aime à dire que nous aimons nos amis américains. Vivre en Amérique du Nord n’a pas toujours été paisible. Dans mon voisinage, il y a toute sorte de monuments de la guerre de 1812, son bicentenaire ayant été célébré ici dans les dernières années. Les choses n’étaient pas aussi tranquilles alors. Cependant, ça fait longtemps que c’est oublié (du moins, quand ça nous convient) et nous avons profité de nombreuses années de paix depuis. À l’occasion, nous avons nos différends, mais rester calme est le mot d’ordre. Nous avons quelque chose de vraiment bien qui demeure de ce côté-ci du monde.

C’est donc avec intérêt la semaine dernière que j’ai lu la chronique de mon collègue de DTN Chris Clayton : « Un long parcours froid tire à sa fin » (en anglais, le jeu de mots est intéressant avec «  A long COOL ride is ending »), qui documente le long historique du parcours qu’a suivi l’étiquetage indiquant le pays d’origine et son implantation aux États-Unis. Il discute abondamment des différentes facettes du problème, dont celles avec le Canada, le Mexique, et plusieurs autres. Il y avait certainement beaucoup d’opposition à cette mesure même aux États-Unis. Au moment d’écrire ces lignes, si tout va comme prévu, le Sénat et la Maison-Blanche vont voter d’ici peu et le Président va signer le projet de loi la semaine prochaine. L’étiquetage indiquant le pays d’origine comme on le connaît ici au Canada sera terminé.

Je ne suis pas un expert en politiques américaines. Je suis encore moins un expert en processus de législation aux États-Unis. Mais nul besoin de dire, c’est l’une de ces rares fois que je puisse me rappeler où le Canada sera pratiquement parvenu à obtenir ce qu’il souhaitait de nos amis américains. À moins qu’il n’y ait un lapin qui ne sorte du chapeau tout juste à la dernière minute, à minuit moins une, c’est ainsi que je vois les choses.

Dès le début, concernant cette loi sur l’étiquetage du pays d’origine, j’ai senti que c’était une autre occasion où nos amis américains ignoraient la réalité prénommée Canada. Nous avions une entente de libre-échange avec nos amis américains, mais ça ne semblait pas faire de différence pour les législateurs des États-Unis. Tous les Canadiens savaient que dès que cette législation serait en place, ce serait une chose très difficile à changer. L’industrie bovine serait coincée, et il y aurait peu de choses que nous pourrions y faire.

Les gouvernements canadiens qui se sont succédé, Libéral et Conservateur, et ont fait ce que nous faisons toujours. La première chose que nous faisons est de demander poliment à nos amis américains pourquoi ils en sont venus à nous faire ça? La réaction typique que nous obtenons de l’administration américaine en est une de surprise. En l’occurrence, ce n’est pas vous qui étiez visé par cette initiative, mais vous êtes pris dans l’engrenage des dommages collatéraux. Une fois que cette 1re approche n’a pas fonctionné, bien sûr nous avons amené le débat à l’OMC, qui est toujours notre position par défaut. Les Américains n’avaient rien de concret sous la main pour se défendre devant l’OMC, mais tous les Canadiens savent que ça importe très peu.

Bien sûr, lorsque vous êtes confronté au plus puissant pays du monde et une économie agricole 13 % plus importante que la vôtre, ce n’est jamais d’égal à égal. J’avais mes doutes que nos amis américains se conformeraient même si l’OMC statuait contre eux. Nous avons connu ça tellement souvent en d’autres occasions par le passé. Dans d’autres secteurs de notre économie comme le bois d’œuvre, nous avons gagné la bataille, mais généralement notre gouvernement négocie alors un compromis. C’est de cette manière que nous maintenons la paix avec nos amis américains.

Ce n’est pas une mauvaise stratégie. Lorsque vous avez la plus grosse économie du monde à vos frontières, c’est un marché parfait pour les produits prêts à vendre canadiens. Pensez seulement aux Australiens et au Néozélandais ou n’importe qui d’autre qui essaie de rentrer dans le marché américain. Il y a des milles d’océans à franchir, alors que nous avons une longue frontière avec eux. Alors, faire en sorte que nous ayons gardions nos amis Américains heureux dans leurs relations commerciales et disputes avec nous est toujours une bonne chose.

Comme je l’ai déjà dit par le passé, du bœuf né au Canada puis engraissé et abattu aux États-Unis versus du bœuf né, engraissé puis abattu aux États-Unis ne devrait pas vraiment faire de différence. Pas besoin de dire que les temps ont changé. Le dollar canadien est maintenant à 30 % d’escompte du dollar américain, et le bétail canadien et tout ce qui y touche de près ou de loin est 30 % moins chers pour les acheteurs américains. Cette réalité aura un impact beaucoup plus important sur le commerce canadien américain que l’étiquetage du pays d’origine n’en aura jamais eu. Maintenant qu’il est retiré et que notre huard est rendu là où il est, notre avantage commercial du côté du bétail est accentué. 

Alors qu’est-ce que ça veut dire? Et bien, ça veut dire que quelqu’un aux États-Unis va probablement mettre la main quelque part sur du bétail canadien. Ne vous attendez pas à ce que ce soit pour autant une simple balade à la légère avec le bœuf canadien qui engorgera les installations américaines de transformation. C’est comme ça. Le Canada est le meilleur allié des États-Unis, mais nous ne sommes pas américains. Ça veut dire que quelque chose en une autre occasion entrainera une autre loi qui fera en sorte qu’on se rappellera de l’histoire de l’étiquetage du pays d’origine comme quelque chose de tellement simple. Et si ça arrive, nous reprendrons la même rengaine que nous jouons toujours au Canada. Nous allons demander aux États-Unis, puis retourner devant l’OMC. Après presque 150 ans comme pays, nous savons comment coexister avec nos amis américains.

 

 

 


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